Féminisme, identité sexuelle et dépression : entre Glee et David Lynch, KNIVES AND SKIN sonde la jeunesse américaine sous les néons bariolés. Si l’esthétisme mystérieux et l’humour décalé font mouche, ils ne suffisent pas à rattraper les faiblesses du scénario mollasson.
Mais où est passée Carolyn Harper ? Après un date avorté, cette lycéenne sans histoire semble s’être tout bonnement volatilisée. Sa disparition affecte évidemment ses camarades, déjà assez perturbés par les tumultes de leur adolescence. Véritable catalyseur, la tragédie fait sauter le vernis de cette petite ville où tout le monde se connaît et révèle un à un ses nombreux secrets.
Dans les couloirs du lycée, les clichés s’accumulent vite. Les casiers sont bien alignés, les pom-poms en minijupe et les quaterbacks stupides. Dès les premières minutes, un sentiment de déjà-vu laisse craindre un teen-movie fade et prévisible de plus. Le film parvient heureusement à s’élever en livrant un portrait juste et sincère d’une jeunesse en perte de repères qui cherche son identité. Noirs, punks, femmes voilées ou même parents dépassés, tous rêvent d’ailleurs. Derrière un sarcasme désabusé, leurs errances à pas feutrés ne peuvent qu’émouvoir ceux qui sont passés par la difficile puberté.
Entre les profs qui cherchent à séduire leurs élèves, les lesbiennes qui s’embrassent en catimini, et celles qui prétendent fièrement « en avoir déjà touchée une », le sexe s’impose bien sûr comme l’un des thèmes dominants. Mais aux blagues potaches d’American Pie, la réalisatrice Jennifer Reeder préfère les questions pertinentes et un prisme féministe assumé, où les mecs qui maltraitent les filles finissent forcément perdants.
L’originalité de KNIVES AND SKIN repose sur sa patte visuelle. Les strass, paillettes, et néons multicolores tranchent avec le quotidien monotone et confère une aura mystérieuse à la disparition de Carolyn. Le kitsch côtoie le glauque, les plans se superposent, se fondent dans un mélange hypnotisant et déconcertant. La réalité devient floue, elle laisse place à des éclairs de magie (ou de folie ?), véritables délires esthétiques directement inspirés de l’œuvre de David Lynch. Pour parfaire cette ambiance étrange et onirique, de nombreuses reprises languissantes de chansons pop des années 80 (Girls just wanna have fun, Blue Monday etc.) interprétées par les acteurs eux-mêmes.
Hélas, le spectateur ensommeillé se perd dans les limbes de ce cauchemar éveillé. Comme dans la série Glee, on se contente de suivre des intrigues parallèles, qui peinent à trouver l’unité nécessaire à l’éclosion d’un grand film. Le scénario ne réserve que trop peu de surprises, et laisse en bouche un regrettable goût d’inachevé.
Valentin Hamon–Beugin
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• Réalisation : Jennifer Reeder
• Scénario : Jennifer Reeder
• Acteurs principaux : Marika Engelhardt, Raven Whitley, Audrey Francis
• Date de sortie : 20 novembre 2019
• Durée : 1h52min