Photo du film VOIR DU PAYS
© Diaphana Distribution

[CRITIQUE] VOIR DU PAYS

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VOIR DU PAYS
• Sortie : 7 septembre 2016
• Réalisation : Delphine Coulin, Muriel Coulin
• Acteurs principaux : Soko, Ariane Labed, Ginger Romàn
• Durée : 1h42min
Note des lecteurs2 Notes
3
note du rédacteur

De nombreux films ont su représenter la guerre et ses conséquences sur la psychologie de l’homme ; Apocalypse Now, Full Metal Jacket, Outrage ou plus récemment American Sniper. VOIR DU PAYS a la particularité, d’une part d’adopter un point de vue féminin (par ses réalisatrices/auteurs et ses personnages), et de ne rien montrer de la guerre en elle-même, d’autre part.

Le film suit une section militaire de retour d’Afghanistan. Avant de rentrer chez eux les soldats doivent passer trois jours dans un hôtel cinq étoiles à Chypre pour décompresser et discuter, lors de sessions de groupe, des événements qu’ils ont vécus. Le « sas », comme l’appelle l’armée, se veut paradisiaque mais n’évoque que l’enfermement et l’oppression. Sentiment ressenti dès les premiers instants par le spectateur devant cette omniprésence de bleu – du ciel à la mer. Le film révèle alors autant le caractère destructeur de la guerre sur l’homme que les difficultés internes dans l’armée, principalement lorsqu’on est une femme.

Photo du film VOIR DU PAYS
© Diaphana Distribution

Les femmes ne sont pas nombreuses dans l’armée. Elles sont d’ailleurs bien souvent invisibles aux yeux de leurs supérieurs qui, par habitude, s’adressent généralement à la compagnie par « messieurs ». Le travail est donc double pour elles. Lorsqu’elles réussissent, c’est qu’elles se battent comme des hommes. Quand ça merde, c’est justement parce que ce ne sont que des « gonzesses qui portent la poisse ». Et du reste, il faut faire avec les allusions masculines, et les agressions. Vivre avec même, puisque le silence est imposé par le plus fort. Mais s’il montre particulièrement la violence que subissent les femmes, VOIR DU PAYS présente surtout la violence du quotidien, en temps de repos, et qui finit par toucher tout le monde. Les réalisatrices – les deux sœurs Delphine et Muriel Coulin – laissent alors davantage ce qu’il s’est passé sur le terrain à l’imagination. Les séances de thérapie de groupe étant illustrées par des reproductions par ordinateur, comme des jeux vidéo, des événements vécus par la section. Des moments qui sont souvent un moyen de témoigner de cette violence qui n’épargne personne. Hommes ou femmes, chacun ressort victime des mois passés sur le front. A l’image du maître-chien (Jérémie Laheurte, vu dernièrement dans Juillet Août), déprimé depuis la perte de son animal et qui ne parvient à extérioriser son mal être que dans la lutte physique avec ses compagnons. Pour d’autres, la violence semble naturelle, voire désirés et espérée. VOIR DU PAYS a ainsi cette intelligence de présenter des personnalités différentes, et de ne pas rester toujours focalisé sur son duo principal.

« Voir du Pays nous prend à la gorge et nous maintient dans une forme d’oppression absolument fascinante. »

Ce duo, c’est donc Aurore et Marine. Ces fameuses « femmes de l’armée ». Delphine et Muriel Coulin les rendent captivantes et font ressortir toute leur beauté. Beauté physique naturelle mais surtout beauté d’âme, par leur force qui se lit dans leurs regards. Les deux réalisatrices ont pour cela tiré le bon lot avec Ariane Labed (elle nous avait déjà envoûté dans Fidelio, l’odyssé d’Alice) et Soko. Les deux actrices sont en parfaite cohésion. Aurore, toujours droite – on retrouve là toute la maîtrise d’Ariane Labed dans la gestion de son corps -, accepte le sas et ce que cela inclut. Dans un besoin évident de se confier et de revenir sur une attaque subit par leur section durant laquelle elle fut blessée. De son côté, Marine est dans le refus et l’opposition mais ne nous cache en rien sa détresse profonde. Soko dévoile magnifiquement tout le mal-être de ce personnage et se met à nue devant la caméra. VOIR DU PAYS développe ainsi avec finesse leur deux points de vue. Et en suivant Aurore et Marine, le film parvient à nous prendre à la gorge et à nous maintenir dans une forme d’oppression absolument fascinante. Cela jusqu’au dernier plan d’Ariane Labed, en larme mais silencieuse, symbole de ces trois jours aussi éreintant (si ce n’est plus) que les mois de guerre, qui finalement n’aident en rien ces soldats. Mais les maintient bel et bien dans un enfermement physique et psychologique terrible.

Pierre Siclier

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