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[CRITIQUE] KNOCK

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Pour son dernier film, KNOCK, Lorraine Lévy revisite avec bonheur un chef-d’œuvre du théâtre et du cinéma.

Il n’est jamais facile de se lancer dans l’adaptation, aussi libre soit-elle, d’une pièce de théâtre ou d’un roman, ancrés dans la mémoire collective grâce à de puissantes adaptations cinématographiques. Nicolas Boukhrief s’y est récemment risqué avec La Confession, adaptant le roman de Béatrix Beck « Léon Morin, prêtre », que Jean-Pierre Melville avait filmé en 1961. Pièce de théâtre écrite en 1923 par Jules Romains, KNOCK a fait l’objet d’une adaptation au cinéma en 1951 par Guy Lefranc. L’interprétation rigide de Louis Jouvet y était magistrale et quelques répliques cultes parcourent encore le temps et se sont même installées dans le langage commun. Comment en effet oublier le fameux « Alors ça vous chatouille, ou ça vous gratouille ? » ?

Lorraine Lévy (qui avait adapté il y a dix ans Mes amis, Mes amours à partir du bouquin éponyme de son frère écrivain Marc Lévy) ose pourtant prendre le risque, et sur plusieurs plans. Rencontrée aux côtés de Omar Sy et de Hélène Vincent lors de la présentation de son film à Bordeaux, elle dit « avoir voulu non pas oublier mais s’éloigner du texte d’origine ». Elle a ainsi changé d’époque, rajouté plusieurs personnages, imaginé un passé à son héros et offert le rôle titre à un comédien noir. Et le résultat est plutôt réussi !

Photo du film KNOCK

Si la pièce reflétait les inquiétudes de Jules Romain face à la montée nationaliste des années 30, la réalisatrice situe quant à elle son histoire en 1950, quelques années après la guerre. Il y est d’ailleurs très peu fait référence, mis à part les propos du personnage de Madame Rémy (Andréa Ferréol), veuve de guerre. D’aucuns objecteront que la représentation du village de Saint-Maurice, dans lequel débarque Knock (Omar Sy), et de ses habitants sont par trop idylliques et font référence à un cinéma populaire qui n’existe plus. Reconnaissant que « le film part effectivement avec plusieurs handicaps, sans scène de sexe, ni meurtre », la réalisatrice propose « d’apporter dans ce monde difficile et âpre une bulle de respiration pleine de tendresse ».

Et l’une des forces de KNOCK réside dans la sacrée brochette de beaux personnages, tantôt tendres, tantôt burlesques, qu’offre Lorraine Lévy au spectateur. Knock embobine ses congénères avec charme et la façon dont il s’y prend fait plaisir à voir, offrant de grands moments comiques. Pour Hélène Vincent/la veuve Pons, « il roule dans la farine les habitants de ce village endormi, mais le fait de les écouter et les regarder les plonge dans une espère de transe très désirante ». D’autant qu’ils sont magistralement interprétés par des acteurs prestigieux, dont deux sont sociétaires de la Comédie Française : Michel Vuillermoz/le pharmacien et Christian Hecq/le facteur. Ce dernier a même inspiré à Lorraine Lévy les scènes de lecture des lettres, qui ne figuraient pas dans le scénario original. Citons également Audrey Dana/la femme du pharmacien, Rufus/le vieux Jules ou encore Nicolas Marié/le docteur Parparlaid.

” Knock est un feel good movie rythmé, jubilatoire et empreint d’une humanité dont on aurait tort de se priver.”

Les trois autres personnages importants qui gravitent autour de Knock proviennent de l’imagination de la réalisatrice, qui souhaitait suggérer quelques aspérités à son héros. Ils ne nous ont pas tous convaincus, mais ils ont le mérite de confronter le médecin à sa personnalité ambiguë. Le pouvoir qu’exerce KNOCK sur les villageois et son emprise sur le village sont ainsi mis à mal par l’autre détenteur du pouvoir dans le village: le curé/Alex Lutz. L’affrontement n’est pas que philosophique (sciences contre foi), il est aussi physique, digne d’un combat de coq. Le curé semble voir Knock sous son vrai jour et s’acharne à montrer le mal qu’il peut faire.

KNOCK est aussi confronté à son passé, que la venue de Lansky/Pascal Elbé vient raviver avec son chantage. Le film permet d’ailleurs une jolie réflexion sur la capacité qu’a un homme, plutôt filou et avide d’argent au départ, à se transformer grâce à l’humanité de son entourage. Cette révélation est symbolisée ici par Adèle/Ana Girardot, dont la simplicité et la gentillesse vont atteindre le cœur de Knock.

Photo du film KNOCK

Enfin, Lorraine Lévy a offert le rôle de Knock à Omar Sy, arguant du fait « qu’aucun acteur n’est le propriétaire d’un rôle et que chacun lui redonne vie à sa manière». Et elle a bien fait ! D’abord parce que Omar Sy possède auprès du public un capital sympathie indéniable depuis Intouchables. Le sentiment de gentillesse et de bienveillance qu’il dégage dans son jeu l’a parfois amené à interpréter des personnages qui dégoulinent de trop bons sentiments, comme récemment dans Demain tout commence. Mais ce qu’il renvoie dans KNOCK correspond tout à fait au personnage que Lorraine Lévy  a précisément écrit pour lui: « solaire et plein d’humanité».

Quant à la question de faire interpréter ce rôle par un acteur noir -ce que l’on oublie totalement à l’écran-, elle a été éludée très rapidement, et par la réalisatrice, et par l’acteur, intervenu très en amont dans le processus. Ils étaient tous deux « d’accord pour ne pas encore faire un film traitant du racisme mais plutôt de la différence de l’autre qui renvoie chacun à sa propre différence ». Gageons, tout comme l’espère Lorraine Lévy, que « cette première fois fera jurisprudence ». Enfin, Omar Sy a avoué avec humilité que « reprendre le rôle n’était pas du courage mais plutôt une faiblesse et une ignorance car je ne connaissais pas Knock». Et si sa présence dans ce chef-d’œuvre revisité fait venir dans les salles de cinéma les jeunes fans de l’acteur qui ne connaissent pas Jules Romains, la réalisatrice et l’acteur auront alors réussi un beau pari: celui de leur permettre d’accéder à la culture d’une autre manière.

Malgré quelques personnages un peu moins convaincants et quelques scènes qui parfois nous gratouillent, KNOCK s’avère au final un feel good movie rythmé, jubilatoire et empreint d’une humanité dont nous aurions tort de nous priver. Notre prescription est donc la suivante: A voir !

Sylvie-Noëlle

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Note des lecteurs20 Notes
Titre original : Knock
Réalisation : Lorraine Lévy
Scénario : Lorraine Lévy, librement adapté de la pièce de Jules Romains
Acteurs principaux : Omar Sy, Alex Lutz, Ana Girardot, Pascal Elbé, Hélène Vincent, Audrey Dana
Date de sortie : 18 Octobre 2017
Durée : 1h53min
4
Jubilatoire

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