the greatest showman

THE GREATEST SHOWMAN, ou le vide en-chanté – Critique

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Un an après le succès de La La Land, THE GREATEST SHOWMAN s’aventure dans le cirque musical de l’émerveillement, là où l’énergie d’Hugh Jackman permet de dépasser le superficiel de l’illusion.

Une année s’est écoulée. Intacts sont restés les souvenirs. Chaque pas, chaque déhanché, chaque mélodie, chaque envolée, tout nous ramène à une seule et enchanteresse danse étoilée : La La Land, et sa mélopée de sentiments. Une apparition, une révélation. Depuis l’empreinte indélébile laissée par cette pluie d’onirisme appelée Cinéma, d’une escapade autoroutière au medley des rêves déchus, l’émerveillement a modernisé sa définition. Enfin presque.

Car THE GREATEST SHOWMAN se voudrait poursuivre cette dynamique passionnée en exploitant au possible une pensée de P.T. Barnum : « The noblest art is that of making others happy ». Une pensée inspirée et inspirante pour un Homme maniant le raffinement des mots comme personne : « There’s a sucker born every minute ». Peut-être. Car qu’est-ce que le divertissement si ce n’est un monde où les bonimenteurs et les crédules sont rois. Puisque THE GREATEST SHOWMAN, sous la grandiloquence de ses numéros et l’apparente bonté de ses personnages, n’est qu’un chapiteau vide, où la toile serait plus forte que l’esprit. Une ambivalence du discours, comme une réalité se nourrissant des apparences sous le voile de la duperie. Pour un moment, pour un frisson, pour un sourire, pour une œuvre virevoltante au rythme d’un vide en-chanté…

Photo du film THE GREATEST SHOWMAN

Et pourtant, THE GREATEST SHOWMAN semble triompher dans la mécanique de l’illusion. Car toute sa construction, de ses tenants et aboutissants, repose sur le plaisir de divertir. Devenir en définitive la représentation du dogme Barnum, en faisant d’un rapace déguisé une comédie musicale à la gloire de l’enchantement. Car croire que P.T. Barnum n’était qu’un ambitieux rêveur en quête d’imaginaire et de spectaculaire, ce serait croire en une illusion. Naïveté ? Non, plutôt quelque chose à assumer totalement pour pouvoir corriger le réel sous les artifices de la fiction. Comme pour nous donner de nouvelles couleurs à voir, dans un faux-semblant de satisfaction et d’espoir. En sortir les lèvres fredonnantes, la jouissance dans le regard et l’allégresse dans un sourire. Choisir l’évasion par le chiqué plutôt que le sérieux de la réalité.

Corriger le réel sous les artifices de la fiction.

Puisque nous aimons nous faire manipuler par nos fantasmes, être entraîné dans un rêve où notre regard d’enfant pourrait pleinement s’épanouir. Mais dans cette démarche de grandeur, Michael Gracey s’empare de l’extraordinaire pour n’en rendre qu’un aperçu aussi vague qu’envoutant. Édulcorer l’histoire quitte à l’affadir : toute simplification de ses enjeux ne devient qu’un fardeau à l’exubérance. Aucune trace – si ce n’est celles suggérées avec plus ou moins de retenue, décence et timidité – des contrastes et des remises en question de Barnum et de ses activités. Là où la noirceur et l’opportunisme du personnage auraient pu donner davantage d’ampleur au récit, tout se déroule selon le code de la bienséance, entre kitscherie émotionnelle et procédés narratifs en vigueur sur Disney Channel : de l’amourette d’enfance à celle de la scène, de la misère sociale aux classes impérieuses, du spectacle à ses artificiels secrets, le conte se fait alors prévisible, sans véritables Freaks, sans charlatan, et sans magie à contempler.

Photo du film THE GREATEST SHOWMAN

Et au final, faire du superficiel une barrière à l’émerveillement. Un bluff total mais dénué de sentiments. Le manque de caractérisation de certains personnages – voire leur sous-exploitation (Michelle Williams et Rebecca Ferguson fleurissent le décor) – et la complaisance de l’auteur dans la superficialité des apparences en font une œuvre désespérément vide. Croire en l’impossible, en ses rêves, en l’acceptation des différences et en la force de l’union : des thématiques usées, potentiellement intéressantes si seulement elles étaient exploitées avec la bienveillance des cinéastes humanistes pour une Vie plus Belle et de vieilles dentelles. Puisqu’ici, les dilemmes semblent se jouer autour de leur propre absence. A la différence de La La Land, le choix ne semble pas s’imposer: l’amour et le rêve, ensemble, contre la morosité des lendemains qui chantent.

Des compositions d’une plaisante banalité.

Et si THE GREATEST SHOWMAN se nourrit d’un sens du spectacle d’un autre temps et de son académisme contemporain, c’est avant tout parce qu’il ne sait pas ce qu’il veut. Un décalage faisant de cette œuvre généreuse (ou pas ?) une revisite de l’essence « luhrmannienne » de la comédie musicale. L’ouverture témoigne de ce désaccord : deux logos, l’un rétro, l’autre actuel. Et définitivement un de trop. Un accroc entre deux conceptions d’un même genre, conduisant à la déficience de son ensemble. Car il faut dire que les compositions, d’une plaisante banalité dans le paysage musical contemporain (correcteur de tonalité à l’appui), interpellent par leur rupture avec ce qu’ils enveloppent.

Photo du film THE GREATEST SHOWMAN

Tout comme cette réalisation, manquant de panache et d’inventivité pour pouvoir transformer l’énergie de ses numéros en une fresque époustouflante : des chorégraphies virevoltantes noyées dans un Ice Tea de visuels toxiques et d’effets spéciaux inutiles (sûrement pour Michael Gracey un moyen d’exposer une certaine expérience). Pourtant, entre une nouvelle façon de déguster un verre de Whisky et la puissance électrisante d’un This is Me, THE GREATEST SHOWMAN avait l’acabit et le nécessaire pour toucher le sublime de sa démesure.

Hugh Jackman, véritable showman dans l’âme, rentrant ses griffes de mâle pour s’élancer sur la piste du bal.

Reste à savoir si THE GREATEST SHOWMAN aurait gagné à s’abandonner à la nostalgie ou à s’émanciper vers la modernité ? Quoiqu’il en soit, il reste un film de son temps, comme Barnum avait pu l’être à un moment. Et s’il ne sombre pas dans le désintérêt le plus total, c’est probablement grâce à l’énergie, le dynamisme et le charme sans égal d’Hugh Jackman, véritable showman dans l’âme, rentrant ses griffes de mâle pour s’élancer sur la piste du bal. Donnant son maximum pour satisfaire son public du sens de l’émerveillement, il offre son charisme au service du spectacle, et se lâche pour l’amour du jeu. Du cœur, de la voix, et un cirque d’émoi : un entertainer est né. Make ’em laugh ?

Photo du film THE GREATEST SHOWMAN

THE GREATEST SHOWMAN est à la comédie musicale ce que Chuck Norris est à la culture populaire : une œuvre de seconde zone, inégale, mais nourrissant l’imaginaire collectif de son entrain et de son enthousiasme légendaire. Un plaisir (coupable ?) s’apparentant davantage au « feu d’artifice » final de Madagascar 3 qu’à l’enivrante mélancolie de La La Land. Souffrant de son rythme précipité et de sa normalité à regret, il n’en reste pas moins un morceau séduisant, où les frissons de la mélodie se mêlent à l’admiration de sa prodigieuse étoile. Car le cinéma est peut être aussi, malgré ses imperfections, un vecteur d’émerveillement et de bonheur universel. Et THE GREATEST SHOWMAN se veut en cultiver le message, comme pour immortaliser l’image d’un sourire d’enfant face à la musique de l’éblouissement. A million dreams is all it’s gonna take

Fabian

Note des lecteurs2 Notes
Titre original : The Greatest Showman
Réalisation : Michael Gracey
Scénario : Jenny Bicks et Bill Condon, d’après l’histoire de Jenny Bicks
Acteurs principaux : Hugh Jackman, Zac Efron, Michelle Williams, Rebecca Ferguson, Zendaya
Date de sortie : 24 janvier 2018
Durée : 1h45min

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Patricia Walle
Patricia Walle
Invité.e
23 février 2018 15 h 04 min

Bonjour,

Je viens de lire votre article et je voulais vous dire que ce film a pour public toutes générations confondues. Il ne s’agit pas d’un film pour enfants. Ce film parle aux gens qui ne se posent pas de question sur les relations humaines mais qui aiment les vivre à fond. Quand on assiste à ce type de film, il ne faut pas hésiter à laisser son côté raisonnable et son côté responsable que l’on peut avoir au travail et dans la vie de façon générale.
Le cinéma a pour but de divertir et de nous faire oublier les problèmes du quotidien.
Personnellement, j’irai le revoir dimanche pour la 3ème fois et même si je connais l’histoire, c’est un ensemble d’éléments de ce film qui me font revenir et aussi qui me feront acheter le dvd.
Je ne sais pas si vous avez vu « Les Misérables » avec Hugh Jackman qui jouait le superbe rôle de Jean Valjean. Ce film était magnifique, très émouvant et incroyablement bien tourné. Je fais un lien avec « Les Misérables » car nous avons tous besoin de ces films qui nous apporte le réconfort, le rêve, la réalisation de rêves. Même vous.

De plus, dans « The greatest showman », tous les rôles sont importants. On ne peut pas oublier Hugh Jackman (il respire la joie de vivre, l’espoir, et c’est un leader incroyable dans cette histoire) mais Keala Seattle campe un personnage féminin incroyablement beau de part sa différence.

Je recommande ce fim à tout le monde et j’irai ce dimanche avec une collègue.

Patricia Walle
Patricia Walle
Invité.e
Répondre à  Fabian JESTIN
23 février 2018 16 h 56 min

Rebonjour,
Je viens de lire votre réponse, Elle me confirme bien que nous n’avons pas la même vision du cinéma.
J’aimerai savoir quels sont les défauts que vous avez pu voir dans le visuel.
Si ce sont les couleurs très soutenus des costumes ou des décors, elles ne me choquent pas et pour moi elle se justifient par leur appartenance au domaine du cirque.
Pour être honnête, La la land me semble bien « fade » à côté de « The greatest showman ».

Lieutet Jean François
Lieutet Jean François
Invité.e
31 janvier 2018 3 h 20 min

Film plein de poésie, de force et de grâce où chaque personnage est pétillant de vie, de beauté, de justesse et d’optimisme.
Un émerveillement visuel et musical total du début jusqu’à la dernière scène.
La famille est attendrissante. Les personnages « singuliers » ont tous du talent faisant oublier leur différence.
Faut-il avoir oublié son âme d’enfant, le sens du merveilleux et la magie du cirque pour écrire une telle critique. Jouer l’ intello certes ! Mais pas trop !
Moi j’ai adoré comme le public et je retournerai voir ce film avec mes petits enfants. Jean François de Dijon.

Cathy B
Cathy B
Invité.e
Répondre à  Fabian JESTIN
11 février 2018 12 h 59 min

« Je ne cherche donc pas à “jouer l’intello” dans cet article, juste à exprimer un avis argumenté qui ne tient qu’à mon ressenti face à l’œuvre. » Et je vous remercie, Fabian, pour votre avis nuancé qui reconnaît au film son pouvoir d’enchantement, susceptible également de voiler le regard sur une réalisation trop superficielle.
J’ai découvert les chansons une par une (en commençant par « This is me ») et elles m’ont donné envie d’en savoir plus sur le film. J’ai lu plusieurs articles uniquement négatifs, parlant principalement du mensonge qu’offre cette représentation de Barnum, grand manipulateur de foule plutôt que véritable humaniste lancé dans une quête de l’acceptation de la différence. Cependant, face à ce genre de film, mon cœur d’enfant s’entrouvre et je me laisse embarquer… Je me forgerai bientôt ma propre opinion, puisque je compte aller le voir et, ainsi, constaterai si le rêve l’emporte sur les défauts de cette histoire préférant un courant rapide à celui d’une profondeur empreinte d’émotion et de réflexion sur notre monde.
Bonne continuation. :)

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