La Uliketeam a reçu au studio des Ursulines de nombreuses rédac’ pour une avant-première très conviviale: L’immortel (à lire la critique du film). Des glaces et des bonbons nous ont été distribués pour nous aider à patienter avant le début de la projection. Nous voilà tous présents dans la salle : la séance peut commencer.
Extrait sonore de la rencontre :
[dewplayer:https://www.leblogducinema.com/sons/limmortel.mp3]
Comme toute avant-première qui se respecte, nous sommes rejoins tout d’abord par Richard Berry, le réalisateur du film. La première question concerne la difficulté d’adapter le film sur un personnage réel encore vivant. Richard Berry nuance immédiatement l’idée :
« Il n’est pas adapté d’un personnage réel, c’est juste le fait divers qui est adapté. C’est juste l’histoire d’un type qui a pris 22 balles. Après j’ai tout inventé, ce n’est pas sa vie d’ailleurs. Vous pensez bien que Jacky Imbert, le mec à qui c’est arrivé, n’a pas dit : « Ouais je me suis vengé, j’ai tué Untel, Untel et Untel. » C’est impossible. C’est ce que ça véhicule qui m’intéresse, ce n’est pas le phénomène, c’est simplement le point de départ qui est intéressant. On passe de l’état de voyou, parce que ça c’est la réalité, à celui d’immortel.
Ça m’a amusé, je me suis dit qu’est-ce qui se passe dans le corps, la tête d’un type, qui échappe à 22 balles comme ça. Pour le reste je me suis permis d’inventer une histoire, j’ai mis ce type la dans la rédemption. Ça m’intéressait de raconter comme une histoire d’intégration aussi, une histoire de l’identité. On trimballe toujours sa culture, partout où on va, même si on a envie de s’adapter. »
Richard Berry justifie ensuite son casting en commençant par l’acteur phare : Jean Reno.
« Il m’avait évoqué le désir de faire un film avec moi depuis longtemps. Je n’aime pas écrire un sujet comme ça pour quelqu’un, j’attendais d’avoir un sujet qui me touche et qui me motive. Donc quand j’ai eu ce sujet, voila je me suis dit que c’est un vrai rôle pour lui, car il est à la fois crédible dans la violence potentielle, dans la force et dans l’humanité qu’il dégage.
Quant à Kad [ndlr : Kad Merad] j’avais envie de sortir des clichés justement. Le méchant, il a toujours une tête de méchant. Or ce n’est pas comme ça dans la vrai vie. Je trouve que si on regard vraiment la tête des grands voyous qui ont fait notre histoire, en commençant par Al Capone justement, il a une tête de bon vivant, sympathique, un petit peu joufflue, joviale. Et en plus ce sont des hommes qui pour la plupart on une grande volonté d’assimilation, ils veulent faire parti de la société, ils revendiquent une volonté d’être bien vu par les politique. Ce sont des hommes qui, pour la plupart, ont une famille, des enfants.
C’est toujours comme ça, les type les plus sanguinaires, on leur donnerait le bon Dieu sans confession. Je me suis dit qu’il fallait que je trouve un acteur qui puisse casser ces clichés : c’est-à-dire le contraire de ce qu’on peut appeler la sale gueule. Je me suis dit que le meilleur moyen c’est de prendre un type comme Kad, qui est d’abord un super acteur et de me servir de cette empathie qu’il a avec le public et d’essayer de le pousser au plus loin pour trouver une forme de violence exacerbée chez lui .
Marina [ndrl : Marina Foïs] c’est un petit peu la même démarche, je voulais une petite fragile, la seule femme devant tous ces types. On se dit qu’elle va se faire manger, qu’elle va se faire détruire. C’est quelqu’un qui cache d’une façon très opaque un drame, le fait qu’elle élève seule son enfant, que son mari a été tué. Je voulais quelqu’un qui évoque une certaine fragilité, et qu’à l’arrivé on se rende compte que c’est elle la plus intègre, la plus solide et la plus forte. »
Suite à cette description sur le casting, l’arrivé de Jean Reno tombe à pic. Il casse immédiatement l’ambiance quelque peu solennelle qui régnait en s’amusant de nous décrire les trois bouteilles de vin qu’il viendrait de boire dans le restaurant d’à côté. Le sérieux et les questions reviennent rapidement. Richard Berry évoque une anecdote de tournage concernant la scène où Jean Reno devait passer au travers de des barbelés. Il devait traverser les endroits où c’étaient de faux barbelés pour ne pas se blesser.
« Je dis : « Tu vois les barbelés qui sont là bas, tu vois que c’est du vrai, tu t’arrêtes et tu reviens, tu passes dans cet endroit là. Il me dit : « Ok. » Dans l’élan de sa ferveur il va jusqu’aux vrais barbelés, je ne sais pas ce qu’il a fait, il les a traversé. Là c’étaient de vrais barbelés! Je peux vous assurer qu’il les a traversé avec une force et une violence hallucinante. On hurlait : « Stop ! Stop ! Arrête ! Arrête ! » Il ne s’en était pas rendu compte. Je peux vous dire qu’il est costaud le père Reno. »
En réponse à une nouvelle question, Jean Reno aborde sa carrière.
« On me voit au rythme des saisons. Là j’ai deux films l’un après l’autre. Ben ça dépend des fois. Si aux États-Unis on me dit : « Tiens y a quelque chose à faire » je m’en vais là bas. J’aimerai beaucoup tourner à Hong-Kong. Il parait qu’ils tournent d’une manière différente. C’est la planète Mars Hong-Kong. En plus si tu bouges un petit peu, tu rentres en Chine, et là c’est pas mal. C’est la planète Jupiter. Et j’aimerai beaucoup travailler avec eux. Ou alors on va travailler là-bas ? On se trouve un sujet, par exemple, un mec qui tombe amoureux d’une chinoise. »
L’opéra tient une place importante dans L’Immortel. Richard Berry explique donc ce choix.
« C’est la rencontre de deux univers. Le fait est que dans la vrai vie, les deux seuls points communs entre les personnage de Charlie Matteï et Jacky Imbert c’est qu’il a vraiment pris 22 balles, et qu’il est un fanatique d’opéra. Le père de Jacky Imbert était chanteur d’opéra et lui-même un passionné d’opéra mais à un point qu’on ne peut pas imaginer. Moi aussi j’aime beaucoup l’opéra, je trouve que c’est un genre musical qui colle parfaitement bien avec ce genre de film. En tout cas j’aime bien ce que ça évoque car il y a une approche tragique de l’histoire, un peu comme dans les opéra. Je ne sais pas si vous vous souvenez mais Tosca c’est l’histoire d’un type qui va se faire fusiller. Normalement la femme de Tosca a tout fait pour que ce soit de fausses balles mais en fin de compte ce sont de vraies balles. Et en fin de compte il va mourir. J’ai trouvé que c’était assez juste par rapport à la situation des personnages dans le film. »
Un des spectateurs relève une phrase du film qui traite de la différence entre « vengeance » et « assassinat ». Richard Berry précise :
« Ces deux phrases dont vous parlez, ce sont des phrases que m’a dit Jacky. Ce qui m’a intéressé c’était surtout le plan humain, c’est-à-dire quelles traces ça laissent dans le cœur, la tête, le corps d’un homme. Je ne voulais pas parler de vengeance. De toute façon c’est un homme extrêmement discret. Il ne parle pas, ne donne jamais un nom. En revanche au niveau humain, il est capable de parler de trahison, de dire « un règlement de compte c’est à visage découvert. Ils ont mis une cagoule, c’est un assassinat. » Ce sont des phrase qui sont de lui. »
Jean Reno, en bon vivant qu’il semble être, décrit ses meilleurs souvenirs de tournage et notamment la bouillabaisse. Puis dans un registre plus technique il commente son expérience avec les projectiles de cinéma.
« Ils te font un mal de fou. Même le projectile de cinéma. Le projectile normal arrive puis il te rentre dans la peau et il te fait du mal alors que le projectile de cinéma, il sort, il fait cette gerbe de rouge qui sort comme ça, donc ça s’appuie sur ta peau. Comme ça tu reçois tes 22 trucs. Ce moment là était incroyable car il vide la tête. Parce qu’en plus il faut faire gaffe à tout, il faut que la technique marche très fort, il faut faire ce que lui [ndlr : Richard Berry] t’a demandé. Je suis quelqu’un qui prétend connaitre mon métier, donc je fais gaffe à tout le monde, je ne peux pas laisser quelqu’un comme ça sur le paillasson, il faut que tout le monde travaille avec moi. »
D’anecdotes en anecdotes, Jean Reno parle à présent des difficultés que fut la direction d’acteur d’un enfant.
« Souvenez-vous de ce que disait W.C. Fields : «Ne jamais travailler avec des enfants ou des animaux ». Il avait ses humeurs. »
Richard Berry continue :
« C’est difficile de diriger un enfant. En même temps je pense qu’on ne peut pas les rendre bon. Au départ il faut qu’il soit bon le gosse, après on peut exploiter dans un sens ou dans un autre, exacerber leurs qualités. Mais si au dépars un enfant n’est pas juste, il ne sera jamais juste, tu peux rien faire. Tu peux le filmer de dos pour pas que ça se voit trop. Mais là en l’occurrence cet enfant est exceptionnel. Mais Jean a tout a fait raison, il est pas facile a diriger. Quand il ne veut pas il ne veut pas. »
Dans un autre registre Richard Berry explique pourquoi il ne souhaitait pas avoir un rôle important durant le film.
« D’abord le fait que faire un film aussi important c’est quand même très lourd et avoir à coté de ça à jouer un perso important comme celui de Jean ou Kad, là franchement je m’en sentais pas l’envie. A chaque fois que je quitte mon rôle de metteur en scène pour aller prendre mon costume d’acteur c’est frustrant bizarrement. Je fais de la mise en scène parce que j’ai du plaisir à regarder les autres, à m’intéresser aux autres. »
A l’inverse, Jean Reno explique qu’il n’aimerait pas endosser le rôle de réalisateur.
« J’ai fait un court métrage qui a très bien marché, qui parlait de cinéma mais ce n’est pas mon truc. Je n’ai pas cette patience là. D’abord je n’ai pas l’art de l’écriture que Richard a. Il a l’art du détail. Moi j’adore faire l’andouille, c’est terrible à comprendre, parce que j’ai commencé avec des films très sérieux. J’adore ce métier, traduire ce que quelqu’un à rêvé dans son fort intérieur. »
Pour terminer cet échange, vint l’instant de LA question que semble ne pas apprécier le metteur-en-scène. Un court échange peut-être un peu tendu :
Spectateur : Par rapport à ma fin du film… Bon j’aurai fait une fin différente…
Richard Berry : Bien sur…
Spectateur : Parce que j’ai l’impression que c’est toujours pareil, que le gentil à la fin il a toujours ce qu’il faut. Parce que pour moi, personnellement, à la fin ils se seraient entretués dans la cuisine. Par rapport à cette fin, est-ce que c’est voulu, est-ce que c’est pour faire pleurer la ménagère ?
Richard Berry : Écoutez moi je ne suis pas aussi manichéen que vous, moi je crois que vous c’est très caricatural ce que vous évoquez et moi je n’aime pas ces fin un peu caricaturale, manichéenne. La vie, la mort, on est puni. Je pense qu’il y a pire : c’est ce qu’il vit et ce qu’il dit. Il dit qu’il espère ne plus jamais se retourner, c’est-à-dire vivre tranquille, être en paix. Et en fin de compte c’est lui qui se retourne. Et je pense que ça, c’est pire que mourir : vivre toujours avec la peur, avec l’angoisse, ne jamais être tranquille. Moi je pense que votre fin est plus manichéenne et moins terrible.
Jean Reno : Je peux te dire que quand tu te retournes, fais-le ! Voir si y a un mec qui est derrière, souvent on te dit que tu ne pourras plus jamais marcher dans une rue… parce que je serai derrière toi.
Il était temps pour nous tous de rentrer, après tout de même 45 minutes de promotion du film. Un échange qui fut intéressant et amusant malgré un film qui, à mon avis, est tout de même décevant.