Photo de la série BUFFY CONTRE LES VAMPIRES

Joss Whedon, au nom de Buffy, tuons le père – Analyse

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Il était le héros d’une génération. Joss Whedon, créateur de BUFFY CONTRE LES VAMPIRES, est accusé de comportements abusifs par plusieurs des acteurs de la série culte. Doit-on pour autant brûler vive sa créature ? Ce serait lui accorder encore trop d’importance au sein d’une œuvre qui, désormais, le dépasse radicalement.

BUFFY CONTRE LES VAMPIRES. BUFFY THE VAMPIRE SLAYER. BTVS pour les intimes. Plus qu’un titre, une légende. BUFFY dépasse le simple statut de série culte. Par le biais de la bluette romantico-fantastique pour adolescents en manque de frissons, elle a su véhiculer des messages politiques et sociétaux profonds. Tout en demeurant également novatrice sur la forme. Le premier épisode de série tourné comme une comédie musicale ? Once more with feelings (Que le spectacle commence), saison 6, épisode 7. Un épisode sans aucune réplique, (presque) intégralement muet, ça existe ? Hush (Un silence de mort), saison 4, épisode 10. L’impact artistique de BUFFY CONTRE LES VAMPIRES est considérable à ce point.

« À chaque génération, il y a une élue »

BUFFY, c’est aussi et avant tout l’histoire d’une femme qui n’a pas choisi son destin. Buffy Anne Summers – pourtant simple lycéenne américaine – est l’élue d’une prophétie, la Tueuse, choisie pour combattre les vampires et les démons. Parce que des hommes en ont décidé ainsi il y a des milliers d’années. Or, ce destin dont elle ne veut pas, Buffy va, au fil des saisons, le prendre en main et imposer d’elle-même ses propres règles. La Tueuse doit œuvrer seule dans l’ombre pour le bien commun ? Buffy choisit de s’entourer de mercenaires : sorcières, loups-garous, démons et vampires. Car même de la dualité intrinsèque à sa mission, Buffy s’émancipe. La série rappelle sans cesse que le monde qui nous entoure n’est jamais manichéen. Les relations, les personnalités sont complexes et nous nous devons de vivre avec.

Photo de la série BUFFY CONTRE LES VAMPIRES

Plus encore, BUFFY a su toucher avec justesse des thématiques importantes. Le personnage de Willow aime une autre femme… Et c’est remarquablement un non-sujet. Le couple s’aime et son histoire nous est livrée sans différence de traitement avec les relations hétérosexuelles. Il n’y a pas de coming out, car il n’a pas lieu d’être. Le deuil, lui, est mis en scène comme il est vécu par tous hors écran : comme une épreuve douloureuse. Buffy veut croire que la mort de sa mère est imputable à des forces démoniaques. Il n’en est rien. Le réel est plus cruel encore que la fiction. Et toute cette force d’écriture, ce soin apporté au traitement de chaque personnage – jusqu’aux rôles jugés mineurs, les fans de BUFFY l’ont imputé à son créateur, Joss Whedon.

« La fin du monde »

Loué pour ses idées avant-gardistes, pour la portée féministe de sa création, Joss Whedon est perçu comme un héros. Celui qui nous a donné BUFFY. Celui qui a révolutionné l’univers de la série pour ados. Celui qui a tant inspiré. Or, depuis peu, le masque tombe. Tout a commencé par la prise de parole de Ray Fisher. L’acteur a témoigné du comportement abusif de Whedon envers ses équipes sur le tournage de Justice League. Il évoque racisme, harcèlement et abus sexuels. En 2016 déjà, la productrice Kai Cole, ex-épouse du réalisateur, avait révélé les mensonges et tromperies de son mari sur le tournage de BUFFY CONTRE LES VAMPIRES – écornant au passage son image de héraut féministe. Nous avions détourné poliment le regard, préférant ne pas savoir ce qui avait pu, par le passé, déchirer ce couple.

Photo de la série BUFFY CONTRE LES VAMPIRES

Et puis, il y eut Charisma Carpenter. Éternelle Cordelia Chase, la peste du lycée au cœur tendre. En un post Instagram, elle nous a enfin ouvert les yeux. Sa vie sur le tournage de BUFFY CONTRE LES VAMPIRES a été un Enfer. Par la faute de Joss Whedon. Menacée, harcelée… au point d’entraîner des complications médicales lors de sa grossesse. Michelle Trachtenberg, interprète de Dawn, la sœur cachée de Buffy, témoigne, elle, du comportement inapproprié du showrunner alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. James Marsters, Spike le vampire en quête de rédemption, acquiesce. Eliza Dushku, Faith la Tueuse rebelle, apporte son soutien comme une pierre à l’édifice. David Boreanaz, si beau et ténébreux Angel, rejoint le rang. Et enfin, d’un ultime pieu dans le cœur, Sarah Michelle Gellar, le visage même de Buffy, assène : « Alors que je suis fière que mon nom soit associé à Buffy Summers, je ne veux plus jamais être associée à celui de Joss Whedon. »

« La chose dont les monstres font des cauchemars »

Alors… BUFFY CONTRE LES VAMPIRES n’était qu’un mirage ? Un mensonge ? Un écran de fumée que nous contemplions, admiratifs, souhaitant naïvement croire en tous les idéaux qu’il portait ? Nul doute que bon nombre de cœurs saignent depuis des jours au rythme des révélations, tant BUFFY est une œuvre majeure, ancrée fièrement dans la culture populaire. Joss Whedon est un génie. Peut-être. Nonobstant, nul n’a le droit d’abuser de sa stature pour asservir l’autre. Jamais. N’en déplaise à ceux qui pensent le contraire : les actes reprochés à Joss Whedon ne sont pas plus acceptables aujourd’hui que l’étaient ceux d’Hitchcock envers Tippi Hedren, l’actrice principale des Oiseaux, en 1963. La différence ? Désormais, « on se lève et on se barre », comme l’a écrit si justement Despentes, lorsqu’Adèle Haenel a quitté la cérémonie des Césars à l’annonce de la récompense décernée à Roman Polanski en mars dernier. C’est ce que Buffy aurait fait. Et c’est ce qu’elle nous a appris.

Photo de la série BUFFY CONTRE LES VAMPIRES
Twentieth Century Fox Television

Car non, BUFFY n’était pas un mirage, pas un mensonge, pas un écran de fumée. C’était une impulsion dans notre inconscient collectif. L’héroïne s’est retournée contre son créateur. D’autant plus qu’on le lit désormais partout : Joss Whedon est un démon. Un démon aussi, car son nom a, au fil des années, vampirisé celui des autres créateurs crédités au générique. Une série longue de sept saisons n’est jamais et ne peut jamais être l’œuvre d’un seul homme. On le sait, BUFFY doit énormément à ses scénaristes. Peut-être l’avons-nous un peu trop oublié. Peut-être, à trop le glorifier, avons-nous assis Joss Whedon sur un trône qu’il ne méritait pas tant. Il est grand temps de le destituer et de couronner tous ceux qui ont aussi fait BUFFY, ainsi que toutes les voix qui s’élèvent aujourd’hui. Elles sont le porte-étendard des valeurs émancipatrices que prônent la série. En ceci, BUFFY est immortelle et nous pouvons être fiers de continuer à la porter au nu. Aujourd’hui plus que jamais.
« À toi, pour toujours. »

Lily Nelson

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