Sorti le 15 octobre 1981, le premier épisode d’Evil Dead fête ses 40 ans. L’occasion de s’attarder sur l’héritage de la saga, à grand renfort du documentaire HAIL TO THE DEADITES, diffusé exclusivement sur la plateforme Shadowz en France.
De nombreuses sagas déchaînent les passions. Harry Potter, Star Wars, Le Seigneur des anneaux… sont autant d’univers fantastiques desquels émanent des fans désignés « hardcore ». Le cinéma d’horreur en connaît beaucoup. D’Halloween aux Griffes de la nuit, en passant par Vendredi 13, toutes ont leurs défenseurs, armés d’arguments plus ou moins objectifs. Subsiste néanmoins une communauté bien particulière. Celle des Deadites, tendre sobriquet adopté par les fans de la saga Evil Dead. Passionnés par un petit film de festival devenu légende, matrice d’un univers étendu aux ramages vastes et complexes, ses admirateurs contribuent à faire vivre l’héritage de la plus grande œuvre de Sam Raimi.
Saga polymorphe
Il faut dire que la tâche est ardue, tant l’objet du culte se mue en supports variés. EVIL DEAD est effectivement une saga singulière. Dans le sens où chacune de ses itérations tente une approche différente. D’abord court-métrage expérimental titré Within the Woods en 1978, il opère une première mutation en 1981, où il devient The Evil Dead – un film d’épouvante alors confidentiel, à l’esthétique horrifique radicale et à la mise en scène incroyablement inventive. Puis, en 1987, naît Evil Dead 2 : Dead by dawn. Un étrange hybride entre le remake et le sequel, aussi drôle et hystérique qu’effrayant et dégoûtant. L’Armée des Ténèbres en 1992 embarque ensuite le héros des précédents volets dans une parenthèse médiévale. Enfin, de 2015 à 2018, Ash VS Evil Dead dévoilait aux téléspectateurs une aventure prophétique parodique en trois saisons.
Il est d’ailleurs amusant de constater les réponses variées des fans sur la question de leur épisode préféré. Dans le documentaire HAIL TO THE DEADITES, réalisé par Steve Villeneuve, beaucoup expliquent avoir pénétré dans cet univers par le prisme du troisième volet. Pourtant bien particulier, décevant pour beaucoup, il n’en demeure pas moins une porte d’entrée intéressante. Moins sanglant, plus linéaire, il permet d’opérer un premier contact moins abrupt à la saga. Nonobstant, qu’ils admirent le 2 pour sa folie furieuse ou le premier pour son amorce révolutionnaire, tous s’accordent à dire qu’ils n’avaient, de prime abord, jamais rien vu de tel. Aussi, car au-delà des expérimentations techniques et narratives, Evil Dead repose également sur le charisme de son personnage principal, Ashley « Ash » Williams, éternelle seconde peau de l’acteur Bruce Campbell.
Bruce-nographie
Qu’on se le dise, cet homme est la cerise sur l’énorme gâteau dégoulinant de talent qu’est Evil Dead. Inspiration méconnue d’un grand nombre d’acteurs émérites – Jim Carrey en tête, Bruce Campbell crève indéniablement l’écran à chaque fois qu’il endosse le rôle d’Ash Williams. Dans le deuxième opus de la saga, l’acteur joue seul, prisonnier de la cabane, durant tout un segment du long-métrage. Juste par sa prestance, ses mimiques, la folie dans son regard, il parvient à nous faire croire que, possédée, sa main droite est devenue indépendante et dotée de sa propre conscience. Certes, le cadre et l’ambiance sonore y jouent pour beaucoup. Néanmoins, si l’on en doutait encore, la stature iconique du personnage s’établit pour de bon dès L’Armée des ténèbres.
Dans HAIL TO THE DEADITES, un fan caractérise très justement le film de « Bruce Campbell show ». L’acteur y cabotine fièrement, inépuisable, volant presque la vedette à la spectaculaire armée de squelettes en stop-motion. Et des grandes diatribes de ce Ash accidentellement perdu au Moyen-Âge sont effectivement nées des répliques cultes. Tant et si bien que « This is my boomstick » est devenu un signe de reconnaissance entre Deadites. Dans le documentaire de Steve Villeneuve, l’acteur se dédouane modestement : « Les gens aiment Ash parce qu’ils s’identifient à lui, bien qu’il ose là où eux n’osent pas. (…) Aussi, parce qu’il est l’un des rares ‘good guys’ du cinéma d’horreur : c’est tout de même le sauveur de l’Humanité. » Là réside peut-être le génie de Sam Raimi. Dans la création, non pas d’un boogeyman iconique à la sauce Freddy, mais d’un personnage de gentil un peu con, pourtant bel et bien capable du meilleur.
Œuvre collective
Les premiers Evil Dead sont et resteront des petits miracles. Ils constituent un parfait alignement d’étoiles. Des étoiles comme Raimi et Campbell, certes. Mais aussi comme Tom Sullivan, artiste aux effets spéciaux, à l’origine de l’esthétique du Necronomicon ou de la dague Kandarian. Des étoiles capables de hisser la débrouille au rang d’art, tous penchés sur le berceau d’un même projet. Et Evil Dead se distingue tant comme une œuvre collective, que la communauté des Deadites en poursuit perpétuellement le récit. Cosplays, performances, comédies musicales… La créativité manifeste de la trilogie originelle a opéré un passage de relais bien singulier. De même que, du propre aveu de Bruce Campbell, les fans ont grandement motivé la création de la série Ash VS Evil Dead, qui conclue l’univers. « On leur a donné ce qu’ils voulaient. » Il appartient désormais aux Deadites d’en faire perdurer l’héritage.
Lily Nelson