BLACK MAPS AND MOTEL ROOMS est un spectacle bien étrange : de grands moments alternent avec des passages ridicules.
Cela va être dur de ne pas spoiler, donc évitez de lire ce qui se cachent sous les balises « spoilers » si vous n’avez pas encore vu cet EPISODE 7.
Nous avions laissé nos trois enquêteurs (Ray Velcoro – Colin Farrell, Ani Bezzerides – Rachel McAdams et Paul Woodrugh – Taylor Kitsch) sur un final intense et haletant (voir l’épisode 6). Plutôt que d’enfoncer le clou et d’augmenter la pression sur les trois flics, ils reprennent tranquillement leur souffle dans une succession de chambres d’hôtel à moquette et papier peint jaune pisse.
Après le soap opera (voir « Vinci ton univers impitoyable », épisode 4) TRUE DETECTIVE penche vers le théâtre filmé dans son tout premier tiers. On craint à ce moment de retomber dans les pires travers de la saison 2 (dialogues interminables, statiques et inintéressants).
Peu crédible mais pourtant très prenant, cet ÉPISODE 7 se regarde avec plaisir. Un doute pèse évidemment sur la conclusion qui s’approche : tout ceci a-t-il un sens ? Il ne reste qu’un épisode pour tout régler, et avec BLACK MAPS AND MOTEL ROOMS s’éloigne un peu plus la possibilité que toutes les questions trouvent des réponses. D’une manière générale, cet épisode ne vaut pas pour son scénario mais plutôt pour la performance des acteurs, qui arrivent à nous faire croire aux plus improbables situations.
Installés dans une chambre d’hôtel, les trois « vrais détectives » vont discuter de toutes les implications des documents qu’ils ont trouvé dans la partie fine du précédent épisode. A coup de « shit » et « fuck » vous aurez le détail de ce que semble signifier toute la vase soulevée par le meurtre de Caspere. Comme on nous a dit au tout début que Vinci est une ville corrompue, on est pas trop surpris, à l’inverse des personnages.
De son côté, le très costaud Frank Semyon (alias Vince Vaughn) bouge autre chose que ses sourcils dans cet épisode. Avec les éléments que lui a ramené Frank et ceux qu’il a glané de son côté, il n’a plus de doute sur celui qui l’a trahi, et ce que cela implique. Là il y a de vrais moment de cinéma, une tension qui s’installe. Le mafieux se sait en danger, et il doit agir vite et avec précision. Frank est un prédateur qu’on nous a montré sous plusieurs facettes. Même si on ne réalise pas trop encore l’intérêt de nous avoir parlé de ses problèmes conjugaux, c’est clairement un personnage qui a pu monté en puissance épisode après épisode. Son comportement dans BLACK MAPS AND MOTEL ROOMS apparait donc complètement cohérent.
A mesure que les flics comme le criminel prennent conscience des implications des cartes qu’ils ont en main, ils vont vouloir mettre à l’abri leurs proches. Dans ce réflexe de survie, il y a un rapprochement intéressant entre le mafieux et les enquêteurs, censés être de l’autre bord. Ce parallèle n’est pas sans rappeler celui entre Robert De Niro et Al Pacino dans Heat de Michael Mann.
« Peu crédible mais très prenant, cet épisode se regarde avec plaisir. Un doute pèse sur la conclusion qui s’approche : tout ceci a-t-il un sens ? »
BLACK MAPS AND MOTEL ROOMS concentre tous les défauts et toutes les qualités de cette saison 2. Les dialogues ne sont pas tous crédibles, mais permet à chaque personnage de se confronter aux autres, au travers du « couple » qu’ils forment l’espace d’un instant. Le motif du face-à-face ressort clairement de cet épisode, et il fait écho à tous les plans précédemment vus dans cette saison 2 mettant deux personnages isolés dans un cadre épuré. De longs moments dévolus à des regards, certains gênés, d’autres inquisiteurs. Nic Pizzolatto dessine des personnages en creux, uniquement déterminés par les confrontations que d’autres personnages leur permettent.
Très en retraits pendant l’épisode, Ani et Ray vont essentiellement discuter des conséquences de leurs choix passés. L’action se passe ailleurs : Franck dérouille ses adversaires à tour de bras pendant que Paul s’esquive suite à d’inquiétants messages. Les longues scènes de discussion entre Ray et Ani sont supposées nous faire comprendre que ces deux là se rapprochent, apprennent à se connaître. Le dénouement de cette bulle de bons sentiments n’est acceptable qu’à la lumière de ce que Ray a traversé, et l’émotion que Colin Farrell a insufflé dans ces événements (deuil de sa probité en tant que flic puis de sa paternité).
On peut dire que le créateur de TRUE DETECTIVE a le sens du tragique, même si ça passe par une ironie assez perturbante.
Sensation d’inachevé lorsque le générique défile. On s’est bien amusé avec Frank–la-main-lourde et Paul-la-gâchette, mais qu’est ce qui peut bien se passer d’intéressant maintenant que Ray et Ani se sont trouvés autant de points communs ? En quoi sont ils motivés pour résoudre le meurtre de Caspere ? La sous-intrigue de Paul a certes trouvé une conclusion morale intéressante, mais on garde l’impression de s’être fait floué avec cette partie de l’histoire. Tout ça pour ça ? Si l’intrigue entière suit l’évolution de ce personnage, la fin de saison 2 de TRUE DETECTIVE risque d’être très très décevante.
Les bons moments de cette saison flottent indépendamment les uns des autres. On se souvient avec plaisir de l’hallucination de Ray au début de Maybe Tomorrow, de sa discussion père-fils sur le canapé dans Church in Ruins ou encore le passage à tabac de BLACK MAPS AND MOTEL ROOMS. Mais il manque un axe clair à cette saison pour satisfaire les adeptes du « binch watching » (addict, vous regardez tous les épisodes d’un coup).
Comme le reste de la saison 2, cet ÉPISODE 7 aura eu le courage de tenter beaucoup de choses risquées, parfois réussies, parfois beaucoup moins. Plaisant pour son caractère expérimental et non-conformiste, TRUE DETECTIVE n’en est pas moins déroutant. Toutes ces approximations sembleront anecdotiques si le dénouement nous apporte un retournement de situation crédible, surprenant et créatif. Maintenant seul compte le sens que Nic Pizzolatto veut donner à cette énigme, et la clarté avec lequel il énoncera son message en dépit de ses tendances crypto-métaphysiques. Réponse le 10 Août.
@thomas_coispel
• Réalisation : Daniel Attias
• Scénario : Nic Pizzolatto
• Acteurs principaux : Colin Farrell, Rachel McAdams, Taylor Kitsch, Kelly Reilly et Vince Vaughn
• Pays d’origine : USA
• Sortie : 02/08/15
• Durée : 59mn
• Distributeur : HBO/OCS
• Synopsis : Un meurtre bizarre rassemble trois enquêteurs et un criminel, qui devront chacun se frayer un chemin à travers les conspirations de Vinci