Christopher Nolan passe au film de guerre, jusqu’ici plutôt positivement accueilli. Il s’agit pourtant de son œuvre la moins maîtrisée, la moins convaincante et la plus fragile. Chronique d’une sacrée déception.
L’introduction du film était pourtant un modèle d’intensité et d’immersion, soit tout ce qu’aurait dû être DUNKERQUE. Un petit groupe de soldats déambulant dans les rues vides de la ville française. Puis le son. Fracassant. Déchirant tout, emportant tout sur son passage. Les balles fusent alors que s’amorce un travelling avant vers ces soldats courant de dos puis s’écroulant, sur les pavés. Puisqu’il n’en reste qu’un seul encore debout, la caméra recadre frénétiquement sur ce dernier pion en mouvement qui pense trouver un instant de répit derrière ce mur, à peine escaladé fébrilement. Mais puisque les balles sont capables de le traverser, elles le font. Et se rapprochent maintenant dangereusement de ce trop jeune soldat sans barbe et figé sur place qui essaye de recharger son fusil visiblement enrayé. En quelques secondes, Nolan ouvre DUNKERQUE de la plus belle des manières, dans un moment de mise en scène fou avant de nous gratifier de quelques images marquantes sur la plage où ce jeune soldat est emmené après sa fuite. Une plage où attendent 400 000 hommes et où très vite l’ennemi pointe le bout de son nez.Le cinéaste nous présente ensuite trois endroits avec lesquels il va jongler via des coupes. En bref, la survie et non pas bataille, aura lieu sur terre, dans la mer et dans les airs. Le récit est construit comme autant de mini-saynètes dont l’enjeu majeur et récurrent des protagonistes sera la survie. Cependant, les attaques ennemies survenant par intermittence, les personnages se retrouvent à nager entre deux eaux : d’abord l’attente puis la fuite ou bien la riposte dans les airs. Le schéma se répétant encore et toujours, on en vient à s’en lasser plutôt rapidement, l’ennui commençant même à pointer au milieu du métrage. Le spectateur assiste alors à ces scènes aux plans répétitifs filmés par toutes ces caméras plantées dans le cockpit de Tom Hardy ou dans la paroi d’un cargo en train de couler, pour un effet GoPro pas super bienvenu dans une telle production.
Mais surtout, ces instants se voulant dramatiques et plein de tension sont ensevelis sous la partition musicale de Hans Zimmer omniprésente, qui nous déclenche un assourdissant compte à rebours en mode alarme pour bien appuyer le caractère terrible et dangereux de la situation et nous dire « si vous voulez stresser, c’est maintenant ! ». Comme si Nolan devant son montage, se voyait obligé de s’en remettre à ce grossier effet pour masquer comme il pouvait sa défaillance à créer de la tension lors de ces moments graves. Le résultat sonore se révèle particulièrement irritant pour nos oreilles.
Premier accroc pour Christopher Nolan, qui signe son œuvre la moins convaincante, qui peut ennuyer et lasser.
DUNKERQUE souffre aussi sur la longueur d’un problème de caractérisation des personnages. Même si cela semble voulu, le spectateur ne peut s’identifier car il ne sait rien d’eux. Le processus empathique échoue alors lorsqu’ils se retrouvent dans les situations les plus difficiles.
Notre critique positive de DUNKERQUE
Et puis il y a aussi cette séquence d’une terrible maladresse, sur le petit bateau de pêche de Mark Rylance, parti avec son fils et un jeune voisin à la rescousse des héros de la patrie. Le jeune voisin de 17 ans est bousculé par un Cillian Murphy nerveux à peine repêché et tombe dans les trois marches d’escaliers en bois du bateau. Une chute a priori anodine, mais tant pis, le coup sur la tête le rendra aveugle puis le tuera quelques minutes plus tard. Lors de cette séquence, les soucis d’écriture vont de pair avec la durée raccourcie du film, une première chez un Christopher Nolan faiseur de longs-métrages dépassant les 2h et tutoyant parfois les 3h habituellement. L’avantage, c’est que cela laissait au moins le temps de développer des personnages. Ici, en un peu plus de 1h40, cela ne passe pas de précipiter la sur-dramatisation d’un événement a priori bénin qui entraîne la mort d’un personnage secondaire bien trop rapidement suite à des symptômes douteux. Car c’est juste avant de mourir que le petit nous balance lors d’un champ/contre-champ gênant sa volonté d’avoir voulu faire quelque chose de bien. Entre l’art de manipuler subtilement le spectateur ou le prendre pour un imbécile, la frontière est mince. Tout cela dans le but évident de nous tirer des larmes.Cette petite séquence est pourtant nécessaire pour Christopher Nolan car il s’agit en définitive du seul moment où l’émotion perce enfin, certes d’une manière dégoulinante et indigeste, mais qui lui permet de la conclure lors d’un final se voulant grandiose et apaisant, à l’image de la musique de Zimmer qui s’est enfin calmée.
Répétitivité. Répétitivité des images, des situations, du son. Pendant moins de deux heures toutefois et heureusement, car on peut en ressortir fatigué. L’expérience sensorielle voulue par son auteur est ratée car cette fois-ci, Nolan n’a pas maîtrisé son histoire qu’il a tissé en se documentant sur des faits historiques et donc existants. Une première pour lui qui, jusqu’à ce DUNKERQUE, excellait dans la fiction pure. On en retiendra une introduction courte mais intense et une reconstitution aidée par des moyens techniques énormes, assez impressionnante.
Loris Colecchia
• Réalisation : Christopher Nolan
• Scénario : Christopher Nolan
• Acteurs principaux : Fionn Whitehead, Mark Rylance, Kenneth Branagh, Tom Hardy
• Date de sortie : 19 juillet 2017
• Durée : 1h47min