On connait surtout les sœurs Wachowski pour leur film Matrix. Un film qui a déchaîné une génération et a suivi dans les générations suivantes. Mais dans quelques années, Cloud Atlas passera sûrement devant, tant l’engouement autour de ce film est gigantesque.
Comme à la sortie de la salle, entendre une multitude de « wouah » ou de « j’ai pris une claque ». Il faut croire qu’on peut toujours faire un film avec un message et toucher le grand public. Même si ce grand public n’a pas forcément compris le film, tout personne passionnée de cinéma devra revoir une nouvelle fois ce film pour bien le sonder.
Car c’est ce que font les Wachowski et Tom Tykwer dans ce film : ils sondent. Avec ce film, ils sondent une âme qui voyage durant plusieurs vies. Ce n’est pas une évolution, car ça pourrait vite devenir pénible. Bien au contraire, on suit cette âme revivre les mêmes déboires psychologiques dans six différentes vies. Et le plus fort dans ce film, c’est que cela ne s’applique pas qu’à une seule âme, mais à une multitude d’âmes. Vous remarquerez que les acteurs et actrices jouent (pour la grande majorité) plusieurs rôles.
Mais ce film ne nous présente pas les six vies les unes à la suite des autres, ça deviendrait trop ennuyeux. Les Wachowski et Tom Tykwer ont eu la brillante idée de décomposer leur film en fonction de ce qu’ils racontent et non en fonction des vies. L’originalité de la narration (très rarement vu au cinéma, mais pas une nouveauté) est dans ce système de parler de plusieurs choses à l’apparence différente mais au contenu pour le moins similaire. Par exemple, quand un personnage a peur dans une vie, on retrouve un autre personnage ayant peur dans une autre vie juste après. Et ainsi évolue le récit, dans une structure inhabituelle.
Avec cette histoire sur le cycle éternel de la vie, on assiste à un film de montage. Les sœurs Wachowski ont grandi, et leur cinéma avec.
De cette façon, les sœurs Wachowski et Tom Tykwer évitent tout ennui. Car chaque petite partie de chaque vie est très complète et assez bavarde pour attirer le spectateur sur l’âme qui se balade de vie en vie. Ainsi, le film a eu le droit à un grand travail de montage. Il n’y a qu’à regarder chaque raccord entre chaque scène. Même si les transitions entre chaque vie ne sont pas toujours parfaites, l’idée est que l’on retrouve les mêmes gestes entre le début d’une séquence d’une vie et la fin de celle d’une autre vie. Par exemple, dès qu’un personnage ouvre une porte dans une vie, on voit un autre personnage d’une autre vie sortir d’une porte. Mais attention, l’idée n’est pas toujours respectée et se limite parfois à de simples répliques ou de simples petits gestes.
C’est donc surtout un film de montage. Car si on regarde de près chaque vie racontée, on pourra remarquer que certaines ont eu le droit à un plus grand travail que d’autres. Il n’y a qu’à citer 1936, 1973 et 2144 : les vies les moins exploitées de tout le film. Même si certaines personnes les trouveront certainement intéressantes (voire passionnantes, les goûts et les couleurs), on ne pourra nier que les histoires de ces films frôlent le minimalisme. Entre la simple enquête policière qui se termine en chasse à l’homme, l’artiste qui met deux heures à prendre le dessus sur celui qui l’exploite, il y a quand même un léger manque de réflexion et de volonté d’aller prendre des risques par rapport au roman adapté.
Ensuite, il y a cette vie en 2144 où on y trouve la soit-disant Élu (qui fera changer le monde). Cette vie est digne des plus grands navets de science-fiction où un(e) loser est en fait la personne qui doit changer le monde. Prise en main par un révolutionnaire sous acide et sans expression corporelle, elle devra lutter de toutes ses forces contre l’ennemi qui essaiera de la tuer sans cesse. Déjà-vu. Encore pire, autant Matrix innovait avec son utilisation du ralenti et se présentait comme un chouette jeu vidéo, autant cette vie dans le film est une ode constante au numérique. « Regardez ce qu’on a réussi à faire grâce au numérique et aux effets spéciaux » : voilà ce que semble dire cette vie.
Mais bon, il y a tout de même de quoi se rattraper avec les trois autres vies. Même si le côté policier est présent dans le film, il reste néanmoins râté avec son manque d’identité dans l’approfondissement des personnages. Au moins, la partie comédie avec le personnage nommé Cavendish est originale. On prend le temps d’installer le personnage et son âme dans sa situation pour mieux capter son soucis de manque de liberté. De plus, il y a la vie en 1849 avec Jim Sturgess (retenez ce nom, vu dans Las Vegas 21 avec Kevin Spacey et Kate Bosworth). Avec cette vie, il faudra juste retenir comment raconter et réaliser un film en costume au cinéma. En octroyant cette vie du film et en le gardant comme un seul film, on pourrait crier au chef d’œuvre. Enfin, il y a cette vie en 2321 avec Tom Hanks en Zachary. Une vie qui nous situe dans un recommencement, une remise à zéro de la société. On vit dans les bois, le langage est spécial, les habitudes et les connaissances des habitants de cette vie sont déréglées par rapport à la vie de 2144.
Au fond, ce film est une constante remise à zéro, un éternel recommencement. En parlant de croyance (au sens large), de divinité, de science, d’esclavage, de liberté, de santé, de famille, d’amitié, d’amour, d’art, de peur, de mort, etc, ce film se présente comme le cycle de la vie. Là où The Tree Of Life de Terrence Malick s’interrogeait magnifiquement sur l’essence de la vie en passant par l’intimité, Cloud Atlas parle de la vie comme un perpétuel recommencement de ce que l’on vit. Même si les âmes survivent et traversent les vies de génération en génération, le film parle d’un cycle éternel, mais de façon linéaire.
Finalement, Cloud Atlas est un film qui prouve que Lana et Lilly Wachowski ont grandi, et leur cinéma avec. Un film qui se présente comme une éternelle remise à zéro d’une âme qui traverser les vies de génération en génération, mais toujours avec les mêmes problèmes. Un film qui parle de tout ce que l’on connait dans la vie, mais avec des vies beaucoup plus travaillées que d’autre. On retiendra aussi les performances des acteurs, chacun(e) incroyable. On pourra qualifier surtout ce film comme un film de montage, car le sujet est du déjà-vu. Il en reste qu’il faut le voir plusieurs fois pour mieux le sonder.