On connaît surtout Baz Luhrmann pour Romeo+Juliette (avec déjà Leonardo Dicaprio, accompagné de Claire Danes), pour Moulin Rouge puis pour Australia (avec notamment Nicole Kidman, membre du jury du Festival de Cannes 2013 dont ce film est l’ouverture). Luhrmann avait réussi à nous transporter avec Romeo+Juliette mais nous avait ensuite déçu avec ses deux suivants. La valse de la répétition continue avec Gatsby le Magnifique.
On connaît le réalisateur pour son goût particulier de l’esthétique et pour les histoires d’amour compliquées. Mais s’attaquer au plus grand sujet de l’histoire du cinéma seulement avec l’esthétique n’est pas un bon point de vue.
Pourquoi ? Tout simplement car on tourne vite en rond en voulant faire au plus simple. Baz Luhrmann nous parle d’un amour (presque) impossible, d’un triangle amoureux et décide de rester sur cela. Jamais il ne va s’en servir pour décrire ses personnages, pour leur apporter un petit plus qui leur permettrait d’évoluer. C’est peut-être grotesque comme idéologie, mais a priori des personnages dans un film doivent évoluer. Sinon, à quoi bon les regarder raconter une histoire dont on se fout royalement ?
Baz Luhrmann nous explique pourquoi son fameux Gatsby organise de grandes fêtes chaque weekend. Mais il oublie que ces fêtes n’ont rien d’un enjeu narratif. C’est juste un indice sous forme d’aiguille dans une botte de foin. Durant les trente premières minutes, le réalisateur va nous montrer tout l’ampleur de son talent (oui, même si un film est mauvais, le cinéaste peut être talentueux) : la caméra fait de grands mouvements – il ne se passe pas dix secondes sans un mouvement, l’univers est extrêmement kitsch, les acteurs sont relativement chorégraphiés, les couleurs sont accentuées, etc.
Le gros problème avec cet univers assez sympa, c’est qu’on a l’impression d’assister à un clip (au point de demander à Lana Del Rey d’interpréter une chanson dans le film) de Danny Boyle sur un fond vert constamment visible. Au passage, la 3D n’est utile que pendant cette demie-heure, seuls moments où elle sert l’histoire. Ensuite, elle devient vite désagréable. Après cette demi-heure passée, le film s’embrume dans son histoire d’amour. Un triangle amoureux et des désirs qui deviendront vite incontrôlables pour le réalisateur. On le voit dépasser par son récit, au point de lâcher petit à petit son univers. La critique sociale ne fera jamais surface.
A voir où la mise en scène sous forme de tableaux kitsch et chorégraphiés de Baz Luhrmann le mènera dans l’avenir, pourvu que ça ne s’essouffle plus.
L’un des seuls points positifs du film, c’est d’avoir choisi la narration décentrée pour raconter son histoire. C’est quelque chose qui abolit un côté classicisme qui pourrait venir s’inscruster mais qui permet des libertés toujours intéressantes dans leur utilisation. Adapté d’un roman, on apprendra très vite que c’est le personnage principal (Tobey Maguire, vu dans Spider-Man), aussi narrateur, qui est en train d’écrire un roman sur ce qu’il a vécu. Sa présence devient in situ secondaire, laissant Leonardo Dicaprio et Carey Mulligan en avant pour se concentrer sur eux.
Mais à vouloir trop en faire, Baz Luhrmann en oublie toute nostalgie des textes de Scott Fitzgerald. Au bout d’une heure, le rythme s’estompe et les acteurs sont en roue libre. Seul membre du casting à sauver, c’est bien Leonardo Dicaprio. On y retrouve sa composition (qui prouve qu’il est l’un des plus grands acteurs de sa génération) qu’on avait vu dans Aviator ou même le récent Django Unchained. En ce qui concerne les autres membres du casting, Joel Edgerton est étonnant en mari qui pète un plomb. Les autres, sont à oublier au plus vite.
C’est également l’un des défauts du film. C’est beau toutes ces couleurs intempestives, mais le film est aussitôt vu aussitôt oublié. La preuve est que l’histoire (un tant soit peu passionnante pour les fanboy et les fangirl de Leonardo Dicaprio) est étirée sur les deux heures du film, et que tout le mystère levé au début du film (pourquoi Nick est en adoration devant Gatsby) n’est jamais résolu. Le réalisateur se contentera d’une chute pas si surprenante, car pas très originale dans un triangle amoureux déjà vu des milliers de fois au cinéma.
Le pire du pire, c’est que le kitsch comblera chez certains spectateurs non initiés à la technique cinématographique l’horrible montage du film. C’est comme si on prenait une bobine 35mm d’un film romantique des plus basiques et qu’on le coupait à la scie, puis qu’on mélange le tout. Déjà que le film est pathétique en lui-même, il demeure pénible dans son traitement. Après, faut voir où la mise en scène sous forme de tableaux picturaux de Baz Luhrmann le mènera dans l’avenir.
Finalement, Gatsby le Magnifique est un film d’un profond désarroi. Le kitsch assumé ne remplacera jamais le montage à l’arrache. L’effet clip et chorégraphie des attitudes des acteurs ne fera que renforcer la pénibilité de la mise en scène. Baz Luhrmann montre toute l’essence de son univers dans les premières trente minutes, pour ensuite s’embrumer dans un incontrôlable déroulement de sentiments et rebondissements pathétiques bon marchés. Seul Leonardo Dicaprio porte le film, à croire que le film n’a été fait que pour lui.