« Curieux destin que le mien… » Ainsi commence l’étrange histoire de Benjamin Button, cet homme qui naquit à 80 ans et vécut sa vie à l’envers, sans pouvoir arrêter le cours du temps. Situé à La Nouvelle-Orléans et adapté d’une nouvelle de F. Scott Fitzgerald, le film suit ses tribulations de 1918 à nos jours. L’étrange histoire de Benjamin Button : l’histoire d’un homme hors du commun. Ses rencontres et ses découvertes, ses amours, ses joies et ses drames. Et ce qui survivra toujours à l’emprise du temps…
Note de l’Auteur
[rating:9/10]
• Date de sortie : 4 février 2009
• Réalisé par David Fincher
• Film américain
• Titre original : The Curious Case of Benjamin Button
• Avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Julia Ormond
• Durée : 2h35min
• Bande-Annonce :
Troisième rencontre entre David Fincher et Brad Pitt, les deux dernières ayant durablement influencé le reste de la production ciné (et TV), jusqu’à l’écœurement. Les noms des acteurs qui sautent et l’effet « pellicule grattée » dans les génériques, la mode des serial-killers, c’est lui (Seven). La caméra qui semble passer à travers des barreaux, des vitres ou des étages d’un immeuble, c’est encore lui (Fight Club). Le 99 Francs de Kounen lui doit sa première partie.
Pitt et Cate Blanchett y reforment ici le couple de Babel, pour le meilleur et… le meilleur (si leurs films sont toujours à ce niveau), dont les relations plus ou moins distendues sont le vrai sujet du film, en témoigne le running gag du coup de foudre. Le fait que le Button en question vieillisse à l’envers n’est qu’un prétexte pour traiter ce thème archi rebattu sous un angle original.
Depuis Zodiac au rythme quasi derrickien, Fincher a délaissé l’épate visuelle pour se tourner vers la sobriété et l’élégance, souvent faite de lents travellings, dans des films de plus de 2h (veine qu’il entretiendra avec The Social Network). On commence donc doucement ici, dans une maison de retraite (Button a 7 ans mais en parait 80), où on prend le temps d’épaissir les personnages et de rappeler au passage qu’on traite nos vieux comme des gamins. On a un peu l’impression de regarder un reportage de « ça se discute » sur la progeria.
C’est le problème avec les génies : quand on a vu de quoi ils étaient capables, c’est décevant de n’assister « qu’à » un bon film, raconté en flash-back (qui semblait être la formule pour ramasser des prix cette année, après Slumdog Millionaire) avec force scènes style super 8 pour « faire vieux », mais pas au chef d’œuvre tant attendu.
Ces doutes sont balayés dès que Benjamin-s’en-va-t-en-guerre, où l’émotion monte d’un cran pour ne plus guère retomber par la suite, surtout une fois les âges inversés (elle devient plus vieille que lui). On avait déjà vu des acteurs grimés jouer des rôles plus vieux que leur âge, rarement l’inverse. Le rajeunissement de Pitt est à peu près hallucinant, encore plus que sa tête de vieillard accolée à un corps d’enfant.
Consciemment ou pas, le réal reprend ici ce qui se fait de mieux dans la production actuelle: lors de la première rencontre des deux protagonistes, elle, fillette, joue dans le jardin et lui la regarde, avec son corps de vieillard, installant une ambiance à la Todd Solondz. Une scène d’hôtel, toute en subtilité et en lumière dorée, convoque Wong Kar-Wai. Une autre, parisienne de surcroît, montre tous les petits détails anodins amenant à un accident sur le mode de l’effet papillon, dans un enchevêtrement tragi-comique comme en raffole Jeunet.
Ce film, traversé de touches d’humour qui désamorcent l’éventuelle solennité du projet (on n’est pas chez Godard), rappelle que le temps passe, vite (dans n’importe quel sens ici), et que demain ne sera déjà plus comme aujourd’hui. On peut trouver ça con ou longuet (si j’en juge aux ronflements entendus deux rangs derrière moi dans la salle, à l’époque).
Certains lui reprochent aussi son petit côté Forrest Gump avec son héros qui traverse l’histoire américaine en se trouvant toujours dans les grands évènements. S’il est vrai qu’on aurait pu se passer de l’ouragan Katrina, difficile de raconter l’histoire d’un homme de 80 ans sans évoquer la 2de guerre mondiale et on nous a quand même épargnés le 11 septembre.
Alors que la plupart des plus brillants de ses petits camarades de jeu peinent à monter leurs films ou à en garder le contrôle dès que le budget augmente (Kassovitz, Aronofsky, Gilliam…), David Fincher enchaîne les films de studio avec une régularité et une qualité impressionnantes, prouvant qu’on est pas obligé de laisser son talent aux portes d’Hollywood.