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© SND

[CRITIQUE] ROSALIE BLUM

ROSALIE BLUM
• Sortie : 23 mars 2016
• Réalisation : Julien Rappeneau
• Acteurs principaux : Kyan Khojandi, Noémie Lvovscky, Alice Isaaz
• Durée : 1h35min
Note des lecteurs0 Note
4
Note du rédacteur

ROSALIE BLUM, premier long métrage du scénariste émérite Julien Rappeneau (Au nom de ma fille, Cloclo, Faubourg 36, 36 quai des Orfèvres, etc.…), est un petit bijou. Pour un coup d’essai, on peut dire que c’est un coup de maître et c’est d’abord en cela que ce film est étonnant : abouti, précis et astucieux. Il l’est ensuite de par son scénario, sa réalisation sous forme de triptyque et son casting, bref, ROSALIE BLUM est une surprise du début à la fin. Grâce à un savant dosage d’humour, de sensibilité et de suspense, le réalisateur, ainsi que le jeu de ses comédiens, nous emportent littéralement dans cette singulière aventure adaptée du roman graphique (BD) éponyme de Camille Jourdy.

ROSALIE BLUM c’est l’histoire de trois personnes (Vincent, Rosalie et Aude) profondément différentes quant à leur histoire et leur tempérament mais qui ont en commun le fait d’être au point mort dans leur vie. Tous les trois sont tellement englués dans la tristesse de leur réalité qu’ils ont fini par trouver cela normal et s’en satisfont. Cette résignation, cet immobilisme dans un confort tant factice que protecteur les conduit à mener une existence aussi solitaire que dépourvue d’intérêt. Jusqu’au jour où le hasard (voire le destin) décide d’entremêler leurs chemins afin de les sortir de cette torpeur et de les ramener à la vie de façon ludique et intrigante. Inutile d’en savoir plus, ce serait retirer au film un de ses charmes principaux qui est la découverte, à chaque scène, à chaque rebondissement, d’une mise en scène originale et d’un scénario imprévisible, pour notre plus grand plaisir.

Photo du film ROSALIE BLUM
© SND

Julien Rappeneau a su écrire ou adapter les personnages efficacement et choisir un casting à son image : humain, sensible, consciencieux et sachant mêler différents registres avec talent. Dans le rôle de Vincent Machot, Kyan Khojandi, découvert dans la série Bref de Canal +, signe ainsi son premier grand rôle au cinéma et le fait de façon vraiment touchante. A la fois un peu gauche, collé à une mère ultra possessive et castratrice (interprétée par une Anémone en pleine forme et tellement drôle), il suscite une empathie immédiate. On est d’abord sensible et compatissant envers lui, envers ce dévouement à sa mère (même si cela lui plombe la vie). Puis on s’attache à cet individu qui est finalement comme tant d’entre nous, dépourvus du courage de faire bouger les choses, par peur ou par manque de confiance en soi. L’élément déclencheur du changement sera sa rencontre fortuite avec Rosalie Blum qu’il va décider de suivre secrètement partout, troquant ses mornes habitudes pour l’excitante filature d’une femme qui suscite en lui quelque chose de fascinant. A travers ce personnage qu’elle interprète formidablement, Noémie Lvovsky, bien connue également pour ses talents de réalisatrice (Camille redouble, Les sentiments), nous livre ici une performance tout en sensibilité, retenue et délicatesse. Très mystérieuse, émouvante et amusée, elle incarne avec beaucoup de justesse et d’intensité une Rosalie Blum qui nous convainc. Enfin, la ravissante Alice Isaaz, décidément très présente dans le cinéma français, malgré son jeune âge (La crème de la crème, En mai, fais ce qu’il te plait, Un moment d’égarement, Fiston…), illumine le film par sa fraîcheur et son naturel en venant à son tour apporter un peu de dynamisme et de baume au cœur dans la triste routine de Rosalie. Son côté instinctif et un peu rebelle correspond parfaitement au rôle de Aude, jeune fille totalement inactive, à la fois par manque d’objectif qui la fasse vibrer, mais également par manque de soutien ou de confiance d’une famille dont elle s’est exclue, se sentant totalement incomprise.

Parmi les sympathiques seconds rôles, deux sont particulièrement notables en ce qu’ils pimentent le film par décalage et drôlerie. Il s’agit de Sara Giraudeau en copine survoltée et Philippe Rebbot en colocataire totalement déjanté, aussi hilarants l’un que l’autre.

« ROSALIE BLUM  narre de façon extraordinaire la vie de gens ordinaires et c’est sans doute cela qui fait du bien »

Quant au choix de tourner en province (à Nevers) dans peu de lieux mais de façon répétitive, avec une lumière assez douce, cela a permis de créer une ambiance assez familière et l’on s’imprègne rapidement de cette ville que l’on semble connaître. A tous points de vue la réalisation est donc maîtrisée et chaque fois que l’on craint de tomber dans un écueil (lenteur, excès, facilité), Julien Rappeneau nous rattrape par d’habiles pirouettes tenant au rythme et à la mise en scène. La bande son, particulièrement réussie, n’est pas en reste et confirme que tout a été judicieusement travaillé jusqu’aux moindres détails. Les très belles mélodies originales (composées par le frère du réalisateur, Martin Rappeneau) sous tendent l’intrigue et l’intensité du récit avec force et cohérence là où les morceaux additifs (notamment « Get me Away From here I Am Dying » de Belle & Sebastian, interprété par la gracieuse Luna Picoli-Truffaut) renforcent l’atmosphère intimiste et singulière du film.

On pourrait enfin s’épancher sur la psychologie assez fine des personnages mais ce serait entrer dans des détails qui vous priveraient d’une part de ce jouissif suspense. On se contentera donc d’émettre l’opinion qu’à l’instar de nombreux films qui sortent actuellement et qui rencontrent le succès auprès du public (La Vache, Le Goût des Merveilles) celui-ci puise également sa force dans le fait de raconter avec optimisme l’histoire de personnes simples, sincères et authentiques auxquelles on peut s’identifier ça et là. Un peu à la manière poétique du Fabuleux destin d’Amélie PoulainROSALIE BLUM narre de façon extraordinaire une tranche de vie de gens ordinaires et c’est sans doute cela qui fait du bien. Voguant de surprise en surprise, c’est irrémédiablement avec le sourire que l’on sort de ce film humble et intelligent.

Stéphanie Ayache

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Note finale

  1. Belle critique pour un beau film.
    C’est frais, drôle,original, et surtout d’une grande tendresse .
    De plus chaque rôle, petit ou grand, est soigneusement étudié, fignolé.
    Bref, ce film est un petit bijou.
    A voir aussi cette semaine « Remember » et « Medecin de Campagne ».
    Bonne soirée.

    1. Merci, effectivement Médecin de Campagne est un joli film. Thomas Lilti parvient à extraire de l’humanité et de la beauté d’une réalité peu glamour.

      1. On voit qu’il connait bien les problèmes ce cette profession, étant lui-même toujours médecin généraliste.
        La désertification des campagnes est bien traitée également.
        Je préfère ce film à Hippocrate du même Thomas Lilti, qui avait déjà était très bien reçu par les critiques.
        Bonne soirée Stéphanie .