Dans sa métaphore du purgatoire, MÉANDRE se révèle à la fois remarquablement brillant et tristement évident. Il n’en demeure pas moins un honorable film de science-fiction, en phase avec ses ambitions.
Qu’on se le dise : Cube est un film fondateur pour la SF moderne. Malgré ses errances d’œuvre de jeunesse, son faible budget et son cachet nineties désormais vieillissant, le long-métrage de Vincenzo Natali continue de faire des petits. Saw fut l’un des premiers, Escape game et Circle, les rejetons dégénérés, Labyrinthe, la version blockbuster tout public et La Plateforme, la sympathique redite en direct to video. Il nous manquait cependant un film d’auteur ambitieux qui tendrait à mieux intellectualiser le propos brumeux de Cube… À ce titre, MÉANDRE s’inscrit parmi ses plus éminents héritiers.
Une pointe de naïveté ?
Car oui, MÉANDRE pourrait grossièrement se résumer ainsi : « C’est comme Cube, mais dans un tube. » Un tube où progresse péniblement Gaia Weiss, un bracelet luminescent accroché au poignet, sur lequel s’affiche un effrayant compte à rebours… auquel elle ne peut se soustraire. Comme dans Cube, bien sûr, le tube comporte un certain nombre de pièges mortels. Contrairement à Cube, l’écriture se révèle davantage soignée et se concentre sur une métaphore du purgatoire en une modernisation visuelle des sept cercles de l’Enfer. Ambitieux, brillant… Certes. Mais avec une pointe de naïveté douce-amère.
En effet si, visuellement, le film de Mathieu Turi est d’une beauté saisissante, l’illustration de sa métaphore baigne par instants dans un universalisme quelque peu simpliste. Que ce soit dans sa représentation de l’amour maternel ou de la folie humaine. Et paradoxalement, il brille d’intelligence dans une imagerie peu conforme, loin des stéréotypes visuels liés habituellement à l’Enfer et au purgatoire. Ceci, au risque de demeurer insaisissable pour un public inaguerri qui n’y verra qu’une masturbation intellectuelle de plus, sans grand enjeu réel.
Prometteur
Il serait néanmoins injuste de considérer MÉANDRE comme un échec. Le métrage ne manque effectivement pas de qualités. Malgré son budget moindre, ses décors sont tangibles, la douleur sensible et les effets spéciaux remarquables. Certes, on y observe de ci de là un peu de polystyrène et de tissus tendus, mais qui lui confèrent le charme bien spécifique de la SF d’auteur à la française. Un genre loin d’être mort dans notre pays et dont MÉANDRE peut s’enorgueillir d’être un fier représentant. Il lui manque seulement d’affiner sa métaphore pour paraître moins lisse.
La plus belle victoire de MÉANDRE réside certainement dans sa mise en scène et sa maîtrise absolue du rythme. Haletant, le film l’est en tout point : il ne manque jamais de nous faire sursauter d’effroi… Il faut dire que la chose ne s’avérait pas nécessairement évidente – compte-tenu du personnage presque unique et de l’absence quasi-totale de dialogues. Après Hostile, Mathieu Turi poursuit ainsi son ascension au firmament du genre français. Le jeune réalisateur continue d’être prometteur et l’on ne peut qu’espérer, de sa part, un troisième long-métrage absolument grandiose.
Lily Nelson
• Réalisation : Mathieu Turi
• Scénario : Mathieu Turi
• Acteurs principaux : Gaia Weiss, Peter Franzén
• Date de sortie : 26 mai 2021
• Durée : 1h30min