godzilla minus one - GODZILLA MINUS ONE, déflagrations et émotions - Critique
Crédits : Toho Co., Ltd.

GODZILLA MINUS ONE, déflagrations et émotions – Critique

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3.5

C’est à la même période où Legendary tente quelque chose d’intéressant avec sa sous-estimée Monarch : Legacy of Monsters, que le lézard géant le plus célèbre du monde fait son retour du côté de l’Asie, avec un film revenant aux bases pour servir un authentique, efficace et inspiré film du genre. Car après Shin Godzilla, le pays du Soleil Levant prouve une nouvelle fois que loin des produits désincarnés, souvent bêtes et pas très beaux produits aux USA, c’est toujours les japonais qui sont les meilleurs pour mettre en scène leur bestiole préférée. Même quand le programme est simple comme le plaisir de voir une grosse bestiole débarquer à l’écran.

Retour aux sources

Car Gojira (son véritable nom japonais) est toujours régulièrement malmené du côté américain. À part quand certains cas, comme le Godzilla de Gareth Edwards qui proposait en 2014 une aventure certes parfois simpliste et critiquable (le scénario, les personnages) mais qui avait du souffle et tentait vraiment des choses, se hissant au-dessus de la concurrence tels ses personnages lors de la célèbre scène du HALO jump. Mais depuis cette belle tentative, les films suivants retombaient dans la surenchère de divertissement décérébrés, ridicules, mal filmés, avec des effets spéciaux indignes et des personnages écrits à la truelle. Bien que jamais vraiment désagréables à regarder, c’était quand même pas glorieux, et ça continuait de prouver que le blockbuster américain mainstream a encore beaucoup de boulot pour parvenir à se renouveler. Pourtant, comme on le disait, une jolie lueur est apparue récemment sur Apple TV sous la forme sérielle avec Monarch : Legacy of Monsters. Car, contrairement à ce que pensaient ceux qui la critiquaient et qui semblaient n’avoir vu que le tout début, la série n’est pas un divertissement chiant et niais qui ne montrent que des êtres humains avec des problèmes pas très bien écrits plutôt que des gros monstres qui se mettent sur la figure. Il fallait laisser un peu de temps à la narration pour montrer une attention portée aux personnages plutôt touchante et un sens de l’intimiste qui manque dans ce genre de production (même si, une fois la série terminée, un manque de cohérence, d’impact et d’audace était à déplorer). Et, dans une sorte de continuité avec cette approche plus humaine, c’est dans vers un retour à une structure plus simple que le film de Takashi Yamazaki se tourne, pour faire de sa création un blockbuster sincère et incarné et avec une identité propre. Et tout emporter sur son passage, bien plus joliment que les produits ridicules pondus outre-Atlantique.

Simple, mais qui en veut

GODZILLA MINUS ONE est en effet structuré autour d’un canevas simple et déjà vu, celui du personnage traumatisé qui va essayer de se racheter. Mais on va vite comprendre que tout sera traité avec sérieux et application et ce, dès le début. Dans ses premières minutes, c’est ainsi que la première apparition de l’énorme bestiole sera montrée à hauteur d’hommes. Alors que Godzilla attaque la petite île sur laquelle a atterrit Koichi, le kamikaze déserteur et protagoniste principal, Yamazaki reste au niveau du sol et orchestre au moyen d’un formidable plan-séquence les dégâts de la créature dans un équilibre impeccable entre grand spectacle et ressenti humain. Accrochée notamment aux carcasses des avions (qui vont jouer un rôle majeur plus tard), sachant mettre en valeur ses effets visuels – pourtant particuliers- de sa créature, on comprend vite que l’entreprise s’efforce de nous faire ressentir d’une manière réaliste les dégâts de tels évènements sur l’Homme – loin devant les péripéties bébêtes (vous l’avez ?) de leurs homologues américains, là où rien n’a plus de poids ou de textures depuis plusieurs films. Ici, le réalisateur, évoluant notamment au milieu du film de guerre, prend le temps de se mettre aux côtés de son personnage principal et épouse un ton sérieux et un rythme assez lent lorsqu’on assiste à sa vie post-attaque inaugurale (étapes marquées par les fondus au noirs qui dessinent cette première partie de métrage). C’est du déjà-vu, sauf que tout est fait avec application et empathie. Jusqu’à ce que la créature revienne, et qu’il soit temps pour les Hommes de se préparer à l’affronter. Et au réalisateur et son équipe de montrer leurs ambitions et savoir-faire, et de souffler une bonne partie de la concurrence avec pourtant beaucoup moins de moyens.

Des textures et des hommes

Alors que pourtant, c’est donc un programme aux grandes lignes plutôt basiques qui se déploient sous nos yeux. Personnages assez stéréotypés, set up / pay off classiques, enjeux globaux mais assez resserrés… Le film semble vouloir revenir à certains fondamentaux, alors que sa structure suit un chemin relativement balisé et que son personnage se dirige vers un objectif qu’on peut plutôt aisément deviner. Mais le déroulement est jouissif. Car les scènes d’action sont toutes impeccablement maîtrisées, pour un résultat aussi sobre que prenant – en témoigne notamment la très impressionnante séquence dans laquelle Godzilla utilise son souffle atomique pour la première fois. Alors que la créature radioactive ravage une grande cité et que la caméra -jusque-là toujours à notre niveau de simple humain – s’autorise une envolée lente et ô combien prenante, le temps finit par s’arrêter. La lumière bleue fait son apparition à l’intérieur du corps de la créature, le son terrifiant vient à son tour, le cadre survole le gigantesque organisme qui se modifie et vient se placer devant la gueule si iconique au moment où celui-ci finit par lancer son monstrueux souffle ravageur, laissant le spectateur comme les malheureux civils présents : soufflé. Encore une fois, il est fou de voir que des films comme Godzilla 2 : Roi des monstres ou Kong vs Godzilla (et tout un tas de films mettant en scène des grosses bestioles inconnues) n’arrivent même pas à assurer un programme pourtant simple. Ici, alors que ces séquences sont nécessaires et que les effets sont numériques, le rendu évoque un mélange de digital et de stop-motion qu’on croirait presque accompagné de maquettes réelles, comme quand l’ordinateur ne pouvait tout simplement pas faire ce qu’il fait aujourd’hui. On se croirait en effet à certains moments revenus à une époque lointaine où les effets étaient réalisés différemment, notamment en image par image, donc. Ce qui, il faut être honnête, produit un rendu assez particulier parfois, mais toujours unique car véritablement travaillé avec soin. Car il est évident que l’entreprise est bardée de bonnes intentions et le travail conçu avec une quinzaine de millions de dollars seulement (!) trouve son apogée dans des moments cruciaux comme celui où le visage en gros plan de la créature attaquant un bateau affiche une expression terrifiante et procure au spectateur des sensations monstrueusement efficaces malgré son allure particulière. Ces effets étant déployés aux côté d’une mise en scène et un montage remarquable de précision – et accentués par un grain particulier sur l’image qu’on croirait être de la pellicule– notamment lors des attaques urbaines où Yamazaki suit le même chemin qu’Edwards en restant à hauteur d’hommes donc, le résultat n’en est que plus marquant. Et le film de monstre de retrouver des textures, du poids et des sensations pour un résultat d’une sincérité surprenante, marquante et redoutable.

Simon Beauchamps

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