Photo du film HOTEL BY THE RIVER

HOTEL BY THE RIVER, la vie en blanc – Critique

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Un épais manteau neigeux s’invite en plein mois d’août pour une parenthèse inattendue dans la filmographie du prolifique réalisateur coréen.

Du blanc, du noir. Les silhouettes des personnages du dernier Hong Sang-soo se détachent d’une vaste étendue immaculée recouverte d’une épaisse couche de neige, alors que l’horizon se devine difficilement d’un statique brouillard. C’est l’image de l’affiche, c’est l’image que l’on retient : HOTEL BY THE RIVER, le film cette fois, est à cette image. Un moment de flottement, entre deux chutes de flocons, hors du temps et du tumulte, loin des vaudevilles et des bavardages innocents. Dans l’hôtel de Hong Sang-soo, c’est la vie elle-même qui se joue.

Hong Sang-soo est de ces cinéastes (Garrel, Corbijn, Baumbach) pour qui le noir et blanc est tellement une évidence qu’on s’étonne encore que celui-ci reste pour lui l’exception – ce travail sur l’épure sentimentale, visuelle et scénaristique qu’il creuse et fait fléchir, de film en film, selon des variations subtiles, trouve son juste prolongement dans le choix de nuances de gris. Hong Sang-soo, metteur en scène du minimalisme s’il en est, pourrait très bien abandonner la couleur pour que sa démarche se rapproche encore davantage d’un fantasme philosophique et poétique dont il est devenu, plus qu’une caricature, un incontournable.

HOTEL BY THE RIVER, dont les premières projections remontent à près de deux ans, dernier film du plus prolifiques des réalisateurs coréens (le prochain sortira en septembre), arrive après quelques métrages plus anecdotiques qui auraient pu nous faire croire à un essoufflement. La vérité, et elle semble presque improbable pour un cinéaste aussi codifié, c’est que HOTEL BY THE RIVER se vit presque comme un renouveau : abandonnant (chose rare chez HSS) la balade romantique pour lui préférer la mélancolie d’amours dont on ne fait que parler sans jamais les vivre ; il faut aussi noter le parti-pris esthétique prononcé, fait d’aplats de contrastes et de silences étouffés, celui d’un monde noyé par la neige.

Photo du film HOTEL BY THE RIVER

La neige, sixième personnage de ce pentagone à cinq visages : un poète, ses fils, deux femmes. Le destin les a réunis en plein hiver dans l’hôtel Heimat, en bordure du fleuve Han. Quelques discussions viennent nous éclairer sur leurs histoires et sur leurs raisons d’être-ici : le poète, sentant sa mort proche, a réuni ses deux fils pour renouer des liens déliés ; l’une des deux femmes se remet de ses récents déboires amoureux en compagnie d’une amie.

Cette rivière finit alors par prendre des airs d’existence – une existence que l’on gèle, le temps de se retrouver, avec une avalanche de neige. Cet HOTEL BY THE RIVER, cet hôtel sur la rivière, c’est une halte le long de la vie, éloignée du monde, de ses heurts, de ses sons. L’allégorie prend alors des airs d’expérimentation et, peut-être pour la première fois chez Hong Sang-soo, on se sent flotter dans une réalité alternative, dans un au-delà. La conclusion de cette fascinante introspection, pas si loin d’un Lynch ou d’un Weerasethakul, vient parachever notre conviction d’avoir eu à affaire à quelque chose de très grand : le pinacle métaphysique d’un metteur en scène à son sommet qui, sans trahir ses convictions et ses méthodes, nous a emmené naviguer sur le Styx, terminus : le pays de la mélancolie de ce qu’on n’a pas construit.

Vivien

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Titre original : Gangbyun Hotel
Réalisation : Hong Sang-soo
Scénario : Hong Sang-soo
Acteurs principaux : Ki Joo-bong, Kim Min-Hee, Song Seon-mi
Date de sortie : 29 juillet 2020
Durée : 1h36min
4
Sublime

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