Crédits : Pyramide Distribution

LA FILLE DE SON PÈRE, un « coming of age » pour tous les âges – Critique

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Dans son deuxième long-métrage, LA FILLE DE SON PÈRE, le journaliste devenu cinéaste Erwan le Duc présente un film « coming of age », qui joue avec les archétypes du genre.

Étienne, interprété par le fascinant Nahuel Perez Biscayart, est un père célibataire dont la vie n’a pratiquement pas changé depuis que la mère de sa fille l’a abandonné alors qu’il avait 20 ans. Aujourd’hui, à 36 ans, il est devenu un entraîneur de football profondément dévoué à l’équipe amateure de la ville de son enfance, au point d’en devenir parfois risible. C’est dans cette ville aussi qu’ils habitent, sa fille et lui, dans une maison héritée de ses parents. Sa fille Rosa, interprétée par la prometteuse Céleste Brunnquell, concentre tous les attributs des protagonistes de dix-sept ans qui l’ont précédée dans ce genre : un regard d’acier, perpétuellement incomprise, une flopée d’ambitions artistiques, et une inépuisable réserve d’ennui adolescent. Lorsque Rosa est acceptée dans une école d’art hors de cette ville, Étienne craint qu’elle ne puisse pas se débrouiller seule. Pourtant, un aperçu fortuit de la mère de Rosa, suivie d’une tentative désespérée pour la retrouver, révèlent rapidement que c’est Étienne, et non sa fille, qui doit enfin devenir majeur.

Le film commence avec une courte séquence de la romance entre Étienne et la mère de Rosa, d’un bref flirt sur le terrain de football à une rencontre fortuite lors d’une manifestation à Paris qui mène à leur affaire passionnée. Presque aucun mot n’est prononcé lors de ces séquences, mais le récit est savamment propulsé par les compositions orchestrales énergiques de Julie Roué, collaboratrice de longue date de Erwan le Duc (Le soldat vierge, Perdrix). Les banderoles colorées, les cris d’étudiants, les évasions de la police et l’amour sur la Seine qui caractérisent la jeunesse d’Étienne ne pourraient pas détonner plus avec l’activisme froid de sa fille et de la monotonie de la paternité.

Très tôt dans le film, Étienne tombe sur les corps raides et immobiles d’une dizaine d’adolescents qui organisent un die-in contre le changement climatique dans l’école de Rosa. Mais ces corps ne sont plus animés dans les chambres des adolescentes. La description que fait Erwan le Duc de la vie adolescente reflète la confusion de ses contemporains de la génération X vis-à-vis de la génération Z : moins de sexe, moins de fêtes et un malaise général face à l’avenir. Le petit ami de Rosa, Youssef, interprété par le talentueux Mohammed Louridi, dort au pied du lit de sa petite amie et renonce à ses pulsions sexuelles au nom de gloire romanesque de poétiques déclarations d’amour. Lorsqu’il en parle à un dîner de famille avec Rosa, Étienne, et la copine d’Étienne, Hélène (Maud Wyler), les adultes le regardent bouche bée : est-ce que les enfants vont bien ?

Oui, ils vont bien. Contrairement à sa fille autonome et stoïque, Étienne est constamment filmé en train de courir après des femmes qui dictent sa vie : Rosa, Hélène et la mère de Rosa. Le casting est parfait à cet égard : Biscayart et Brunnquell partagent la même taille et les mêmes yeux d’un bleu profond, mais le regard glacial de Rosa pourrait couper l’acier tandis que celui d’Étienne est désespérément abattu. Lorsque Rosa décide de déménager pour une école d’art, il entreprend de quitter la maison colorée de son enfance et de s’installer dans un appartement vide et blanc avec Hélène. Le contraste esthétique de ces deux espaces souligne le fait qu’Étienne semble trop vieux pour son enfance et trop jeune pour la vie adulte : il n’est « majeur » nul part.

L’interprétation libérale de la réalité d’Erwan le Duc permet de soudaines irruptions surréalistes dans une petite ville autrement morne et sans incident. Dans l’appartement vide, par exemple, Hélène affirme que son piano s’adapterait parfaitement au mur et fait mime de jouer une note. Le son se fait entendre, seulement il n’y a pas de piano. Ces moments surviennent sans crier gare, sans aucun autres éléments esthétiques d’un paysage onirique, ajoutant une touche de fantaisie à la statique réalité d’Étienne.

Le dernier quart du film s’appuie sur cette qualité onirique, mais repose sur des coïncidences si énormes qu’elles en deviennent peu crédibles, et peinent à faire avancer le récit. Ce qui commence comme une étude attentive d’une relation père-fille s’achève malheureusement par une fin précipitée, rendant l’intrigue de l’histoire relativement tangentielle aux thèmes plus larges que le film présente de manière si habile. Néanmoins, l’alchimie naturelle entre Biscayart et Brunnquell, combinée avec une cinématographie surréaliste, en fait un film captivant qui montre que la majorité peut survenir à tout âge.

Vinzent WESSELMANN

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