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Crédits : Wayna Pitch

MEDUSA, le rouge et le vert – Critique

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Brûlot féministe, MEDUSA place son intrigue au cœur d’une communauté pentecôtiste brésilienne. Le soir, les jeunes femmes s’y rassemblent… pour lyncher les brebis égarés et impures. Jusqu’à découvrir que la violence et l’oppression n’appartiennent pas uniquement au monde extérieur.

Présenté à la Quinzaine des réalisateurs en juillet 2021, MEDUSA s’est distingué par son mélange d’onirisme et de réalité crue. La réalité des communautés chrétiennes pentecôtistes, où la femme est encore perçue comme seule coupable du péché originel. Des communautés omniprésentes au Brésil et influentes à l’échelle sociale, comme politique. Et c’est au cœur de l’une de ces communautés que vit l’héroïne du film, Mariana. Le jour, elle travaille comme infirmière et prêche la bonne parole avec ses consœurs. Le soir, elles se retrouvent, masquées, pour chasser et lyncher les femmes impures.

Photo du film MEDUSA
Crédit : Wayna Pitch

Comme son titre l’indique, le film d’Anita Rocha da Silveira réfère au mythe de la méduse. Dans sa lecture féministe moderne, où son visage monstrueux incarne les cris retenus par un féminin sous oppression. Mariana évolue dans un monde tout en nuances de rouge, où les jeunes filles sont conditionnées à obéir à des préceptes de virginité, de pudeur et d’obéissance. Le rouge, le rose, pour l’amour et la passion, tourments traditionnellement associés aux femmes. Auxquels leur communauté les cantonnent. Les amenant à intégrer leur impureté comme intrinsèque. Or, le rouge devient peu à peu violence.

Rouge sang et vert tendre

Rouge pour la violence de la communauté elle-même. Envers un monde extérieur qu’elle aimerait conformer à sa vision évangélique. En réalité, superficielle et conformiste. Ici, les femmes lissent leurs cheveux frisés, perçus comme négligés. Se maquillent dans l’impératif d’avoir l’air présentables – également pour dissimuler les coups portés par leurs compagnons. De ce qui ne doit pas transparaître. Une violence que Mariana confronte lorsqu’une victime de lynchage lui rend subitement ses coups. Alors, en plein doute existentiel, elle pénètre en tant qu’infirmière dans un hospice pour patients comateux, à l’écart de la ville et de la communauté. Et c’est alors que l’image tourne davantage au vert.

Photo du film MEDUSA
Crédit : Wayna Pitch

Le vert, en plus de l’espoir, réfère symboliquement à l’apaisement et à l’empathie. Il baigne cet hôpital où les patients apathiques et la vétusté des lieux devraient, à l’inverse, inspirer peur et dégoût. Il devient pour Mariana la couleur du monde extérieur, des « mondains ». Ceux que le pasteur, lors de ses prêches, désapprouve et diabolise. Les mondains de l’hospice se révèlent, au contraire, douceur, calme et amour. En s’ouvrant à eux, Mariana se détache peu à peu de son environnement religieux. Et le rouge devient révolte. Pour elle, comme pour ses comparses féminines. Car elle incarne une individualité caractéristique du monde auquel elle appartient.

Réflexions autour du mythe antique et biblique

En effet, MEDUSA fait partie de ces films où le cadre, la photo, le son et toute la mise en scène servent à déployer un ensemble symbolique. Autour de la figure de la méduse – bien sûr – par le masque, les cris, les visages détruits par la violence… Mais également des mythes chrétiens, en évoquant des thèmes comme l’Eden ou le baptême. Ici, aucune clé n’est donnée. Il appartient à chacun de construire le sens. D’un point de vue créatif, MEDUSA fourmille d’idées visuelles. Aucun plan n’est laissé au hasard. Singulière, l’esthétique du film brille par sa beauté, mais aussi par toute sa force significative.

Photo du film MEDUSA
Crédit : Wayna Pitch

On reprochera certainement à MEDUSA de laisser une partie du public de côté. De verser dans un symbolisme rébarbatif et de ne laisser jouir que les plus intellectuels. Certes. Néanmoins, ses images laissent des impacts. Et il en émane un message universel sur la cause féminine parfaitement lisible et limpide. À bien des égards, ce petit film de genre brésilien se montre remarquablement digne d’intérêt. Réalisée par une femme au nom d’autres femmes, il est aussi une œuvre politique, qui trouve une résonance particulière dans la communauté brésilienne et par-delà les frontières.

Lily Nelson

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Titre original : Medusa
Réalisation : Anita Rocha da Silveira
Scénario : Anita Rocha da Silveira
Acteurs principaux : Mari Oliveira, Lara Tremouroux, Joana Medeiros
Date de sortie : 16 mars 2022
Durée : 2h07min
4
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