John Link est un ancien prisonnier, en liberté conditionnelle. Un beau jour, sa fille Lydia débarque chez lui, pourchassée par des trafiquants de drogue.
Présenté à Cannes en hors-compétition en séance de minuit, BLOOD FATHER le dernier film de Jean-François Richet est pour certains le grand retour de Mel Gibson. Ironie du sort, l’acteur australien en profitait pour remettre la Palme d’Or du jury de Georges Miller, celui-là même qui l’avait révélé dans la saga Mad Max, faisant de Mel Gibson une des figures de l’homme d’action moderne. Par la suite, Mel Gibson s’est toujours illustré comme une sorte de Clint Eastwood australien, avec des méthodes un peu plus musclées, à travers des gros succès comme L’Arme Fatale ou Braveheart. Très vu dans les années 1990, il est depuis les années 2000 en retrait. Au cours des années 2010, ses rôles se limitent à des hommes d’actions, gentils ou méchants. Pour preuve, il avait rejoint le casting du film Expendables 3, se faisant ainsi consacrer comme « papy badass qui cachetonne » aux côtés de Stallone, Schwarzy et des autres.
Même s’il tient le premier rôle de BLOOD FATHER, il est difficile donc de parler d’un réel retour de Mel Gibson au film d’action puisqu’il n’a jamais vraiment quitté ce genre. En une heure trente de film, Jean-François Richet développe un scénario assez simple, dans lequel les enchaînements de courses-poursuites et autres règlements de comptes ne laissent pas le temps de s’ennuyer. Le film ne dure qu’une heure trente et ne laisse pas le temps de s’ennuyer, sans pour autant nous convaincre totalement.
Sur le plan technique, BLOOD FATHER n’est pas mal réalisé, et on peut voir quelques cascades plaisantes, comme le retournement de la caravane au début du film. Mais à aucun moment Jean-François Richet ne fait preuve d’originalité dans sa mise en scène. BLOOD FATHER se révèle être un film extrêmement classique, sans surprises. Le parti-pris du shaky cam (caméra tremblée redoublée de zooms brusques, popularisé par La Mort dans la Peau) ne suffit pas à créer la tension et l’action attendues. Se déroulant à la frontière américano-mexicaine dans le milieu de la drogue, BLOOD FATHER ne parvient pas non plus à rendre cette ambiance nauséabonde qu’il tente d’instaurer, comme elle peut exister dans No Country for Old Men ou plus récemment Cartel de Ridley Scott (même si ce dernier film est raté pour d’autres raisons.) Le blood du titre promis se fait finalement assez discret, se contentant de quelques effusions de temps à autres.
Comme dans le précédant film de Jean-François Richet, Un moment d’égarement, les personnages sont des stéréotypes bien trop réducteurs. L’autre personnage principal, Lydia, jouée par Erin Moriarty (repérée dans les séries True Detective et Jessica Jones) ne cesse d’être un boulet pour son père, seulement intéressée par les garçons (elle drague le premier jeune homme venu), une image qui reste peu valorisante pour la jeune fille. Dommage qu’il n’y ait pas une évolution de Lydia, une forme d’apprentissage, alors même qu’elle fait à la fois l’ouverture et la fermeture du film. Par ce procédé, BLOOD FATHER est bien la vision du père par la fille qui le retrouve. L’intérêt du film, c’est de voir le “Blood Father” en action.
BLOOD FATHER penche plutôt du côté du pur divertissement que du film d’auteur, sans pour autant s’imposer comme une référence en la matière.
Entre deux scènes d’action, Jean-François Richet dévoile son personnage qui n’a que pour seul principe celui de la rédemption. Cette thématique se retrouve à tous les niveaux de lecture, puisqu’on peut voir les retrouvailles entre le père et la fille, John Link qui revient sur les traces de son passé, mais aussi et surtout le retour de Mel Gibson, quand il se rase la barbe, métaphore appuyée au possible. Les plus nostalgiques se réjouiront de voir l’australien rajeunir subitement à l’écran. Avec tout ça, on comprend que Jean-François Richet veut faire un film plus profond qu’il n’y paraît. Mais il ne suffit pas de faire des allusions, comme peut l’être le tatouage de Don Quichotte (qui serait dès lors comparable à John Link ? peu convaincant) pour donner du sens à un film. Ne reste donc que les scènes plus musclées, faisant de BLOOD FATHER un film décevant car mal exploité.
On sent que Jean-François Richet traîne avec lui une patte très frenchy, un petit peu comme Olivier Marchal. On se demande si les cadrages, décadrages, et autres zoom intempestifs sont de sa griffe, ou d’une volonté de faire « à l’américaine ». Oscillant entre deux pôles, BLOOD FATHER penche plutôt du côté du pur divertissement que du film d’auteur, sans pour autant s’imposer comme une référence en la matière. Tout au plus une tentative de renouveau de Mel Gibson non pas au cinéma mais dans le business hollywoodien.
Alexandre Léaud