Je veux juste en finir

JE VEUX JUSTE EN FINIR, conte maniériste et métaphysique – Critique

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Avec Je veux juste en finir, Charlie Kaufman continue d’explorer les hantises de personnages dépassés par l’imaginaire sans limites de leur créateur. Difficile de suivre le cinéaste dans les dédales d’un labyrinthe imperceptible où se mêlent absurde et épouvante.

On avait quitté Charlie Kaufman avec Anomalisa, étrange objet pessimiste et tragique à l’esthétique troublante. Un auteur dépressif questionnait la banalité de son existence jusqu’à vivre une curieuse aventure d’un soir. Dans JE VEUX JUSTE EN FINIR, le duo de personnages est aussi condamné à subir les foudres d’un destin dramatico-absurde cher au cinéaste. Les prémices du voyage les amenant chez les parents de Jack dépeint un couple au bord de l’implosion. Reflet macabre de cette séparation progressive, la joute verbale dessinée à l’écran est jubilatoire. Au travers de discussions sur l’art et la vie, Kaufman fonde subtilement les contours d’un labyrinthe effrayant et halluciné, où le couple est voué à se perdre.

Lire notre critique de Anomalisa

Je veux juste en finir
Jessie Buckley & Jesse Plemons © NETFLIX 2020

Jusqu’ici, tout va pour le mieux. Porté par l’interprétation sans faille de ses acteurs, JE VEUX JUSTE EN FINIR semble prendre l’apparence d’un thriller fantastique teinté d’ironie. C’était sans compter sur l’audace de Kaufman lorsqu’il s’agit d’explorer l’inconscient. En effet, lorsque Jack et Cindy arrivent enfin à destination, la narration s’attarde sur la psyché du premier nommé, en fouillant ses souvenirs. Cindy semble coincée dans l’imaginaire de cette âme torturée au passé douloureux. On retrouve communément ce ton dans l’œuvre de Kaufman, à la frontière de plusieurs genres. Des malaises nombreux au cours du repas jusqu’à l’angoissante descente dans la cave, le film navigue entre les registres sans pour autant perdre son spectateur. Un certain angélisme se dégage même de cet ensemble hétéroclite et indiscernable, à l’image des flocons ruisselant au rythme des phénomènes inexplicables n’ayant de cesse de se multiplier.

Le dernier mouvement du film est d’autant plus frustrant qu’il s’éloigne inexplicablement de tout ce qui fonctionnait depuis le début du voyage. Il est dommage de voir Jack et Cindy s’éloigner de la maison, conceptualisée dès les premiers plans et oubliée trop rapidement. Kaufman n’est jamais autant dans sa zone de confort que lorsqu’il met ses personnages face aux phénomènes engendrés par son imaginaire débridé. Lorsque Cindy se perd dans les méandres de l’âme de Jack, en traversant les pièces de la maison, le film atteint des sommets hypnotiques réjouissants. Toni Colette, comme dans Hérédité, se prête parfaitement à ce type de rôle. Entre sa mort soudaine et son rire sinistre, l’actrice fait preuve d’une aisance remarquable lorsqu’elle est placée face au surnaturel. Il est donc regrettable de voir Jack placer les chaînes sur sa voiture et quitter cette partie du labyrinthe propice aux spéculations et à l’analyse sémiologique.

Notre critique de Hérédité

Je veux juste en finir
David Thewlis, Jessie Buckley, Toni Collette, Jesse Plemons © NETFLIX 2020

Surtout, alors qu’il aurait pu accomoder son récit d’un tournant explicatif en préservant toute sa symbolique, Kaufman opte pour un épilogue quasi parodique. Il serait curieux de voir le metteur en scène se confronter au format d’une série tant il fait balbutier son cinéma lorsqu’il s’agit de clôturer son récit. A l’image de John Cusack prisonnier et condamné à observer l’être aimé sans pouvoir l’atteindre à la fin de Being John Malkovitch, Kaufman prive son spectateur de la conclusion qu’il méritait. Si Kaufman se focalise sur ses obsessions, il consume subitement la flamme narrative lors de l’arrivée des personnages dans le lycée de Jack. Se substitue alors aux visions fantasques une accumulation brouillonne dénuée d’intérêt où le duo central se dévitalise. Regrettable tant le film mettait en exergue un équilibre rare dans son discours ironico-philosophique.

Emeric

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Note des lecteurs18 Notes
Titre original : I'm thinking of ending things
Réalisation : Charlie Kaufman
Scénario : Charlie Kaufman
Acteurs principaux : Toni Collette, Jessie Buckley, Jesse Plemons, David Thewlis
Date de sortie : 04 septembre 2020
Durée : 2h10min
3
Intriguant

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