• Réalisation : Asghar Farhadi
• Acteurs principaux : Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti, Babak Karimi
• Durée : 2h03min
Un immeuble menace de s’effondrer. Dans le tremblement, une vitre se brise. Asghar Farhadi cadre l’extérieur de l’appartement évacué au travers de cette fenêtre et nous permet de découvrir des travaux, responsables de la dégradation du bâtiment. Avec ce plan, c’est un Iran brisé que le réalisateur filme, un Iran « en travaux » dont l’aboutissement ne tend pas à améliorer les choses mais à accentuer le déséquilibre. Cet immeuble serait le symbole d’un pays qui vacille mais qui, cependant, ne rompt pas. Comme un motif d’espoir.
Dans la continuité de ce prologue, nous faisons la connaissance d’Emad et Rana, un couple obligé de chercher un autre logement. Ils vont y parvenir grâce à un ami. « Pour une fois, nous avons du bol » dit Emad à sa femme, en découvrant son nouveau chez-lui, content de pouvoir retrouver aussi vite un abri alors que l’affaire aurait pu être d’avantage complexe. La phrase est lourde de sens, le « pour une fois » signifiant bien que la vie est compliquée en Iran. Elle est en même temps ironique par rapport à ce qui va suivre : Rama va être agressée chez elle, par une connaissance de l’ancienne locataire. Débute un thriller hitchcockien où Emad va enquêter pour savoir qui est l’homme entré chez eux par effraction, et surtout pour essayer de se venger.
LE CLIENT est un film qui sent la maîtrise à tous les niveaux. Le scénario est d’une solidité infaillible, traitant d’un côté d’un couple qui se perd intimement suite à un incident et de l’autre une enquête pour assouvir une vengeance. L’enchevêtrement des deux permet de construire une armature consistante, déroulant son programme avec sérénité et minutie. Le film peut donc se reposer sur un développement psychologique tout en avançant via une intrigue nous stimulant – car on veut nous aussi des réponses. De ce cadenassage naît une certaine froideur, un hermétisme. C’est là que se situe la limite d’un film formellement imposant, sorte de bloc taillé avec précision ne laissant pas filtrer l’émotion. Ce verrouillage s’incarne même dans l’image par la répétition de barrières entre la caméra et un personnage, ou simplement en arrière-plan.
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Il faudra attendre le final pour qu’au travers des outils narratifs apparaissent réellement de la matière humaine, du corps et des sentiments. Le dernier acte en forme de huis-clos à l’intérieur de l’appartement abandonné fait surgir dans le récit des enjeux moraux, qui détournent de la démonstration pour nous faire glisser vers l’humain. Le film se désolidarise de ce vers quoi il était programmé (la vengeance) en incorporant la culpabilité du coupable. Les hommes peuvent mal se comporter mais cela ne fait pas d’eux des monstres. Et la culpabilité a parfois plus d’impact que d’appliquer une forme de loi du Talion. Conclure le film dans ce lieu démontre encore une fois toute l’intelligence du scénario, comme pour nous dire qu’au milieu des décombres, les hommes peuvent permettre au pays de rester sur pieds.
Publié le 22 mai 2016.
Maxime Bedini
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