Inspiré des revendications sociales du mouvement #MeToo, THE POWER se révèle comme un long et éprouvant cauchemar, en plein cœur de la société encore conservatrice des années 70.
Jolie production britannique horrifique, THE POWER nous plonge dans l’obscurité d’un hôpital londonien en pleine coupure d’électricité, lors de la grève des syndicats de 1974. Val, jeune infirmière, erre dans les couloirs durant sa première nuit de garde. Et dès sa scène d’ouverture, le film témoigne d’une mise en scène remarquable. Plus encore, lorsque les lumières s’éteignent et que les fantômes se présagent. En 2016, David F. Sandberg avait déjà exploré le concept avec Dans le noir – bien moins brillamment cependant.
En effet, là où Sandberg limitait son scénario à son postulat de départ, THE POWER creuse plus loin. Il se sert de la pénombre pour figurer non seulement la peur de ce qui s’y tapit, mais également ces choses que l’on dissimule et qui nous rongent. Ce que la société se refuse à voir. Car THE POWER est assurément une œuvre post #MeToo, qui détourne certains poncifs de l’épouvante à dessein. À mi-chemin entre le film de possession, l’histoire de fantôme et le rape and revenge, il paraît nous mener en terrain connu, mais retourne intelligemment ses effets.
Du lent progrès social…
Pour ce faire, THE POWER se place d’un point de vue féminin dans la société anglaise ultra patriarcale des années 70. Car, n’oublions pas qu’à cette époque, libération des mœurs et révolution sexuelle sont encore affaires d’intellectuels et de marginaux. Pour les femmes, une carrière dans le secteur médical n’est alors envisageable qu’en tant qu’infirmière. Et en matière d’abus sexuels, le silence reste de mise. La parole des victimes féminines s’avère systématiquement perçue comme balivernes. De même que la sororité n’existe pas. Ou si peu.
De notre siècle, l’envie d’hurler et de se révolter face au sort du personnage de Val, sans cesse l’objet de victim shaming, ajoute à l’atmosphère pesante du long-métrage. D’autant qu’en tant que film d’horreur, THE POWER tire habilement son épingle du jeu. Remarquablement exploitée, l’obscurité suscite à la fois inquiétude et confusion. Elle sert, de plus, une approche déconstruite du récit. Tous ces éléments contribuent à faire de THE POWER un long cauchemar déroutant. Le film offre ainsi de beaux moments d’effroi et de sursauts. Également une scène de possession particulièrement réussie.
Aux revendications contemporaines
On apprécie également les clins d’œil répétés au cinéma de genre. De Carrie – œuvre toute aussi équivoque sur la féminité – à L’Exorciste, en passant par la nunsploitation, THE POWER réfère à tout un imaginaire collectif, dont il se saisit et détourne les codes. Ici, le monstre n’est pas celui que l’on pense et la femme, habituellement passive et captive du surnaturel, dépasse son simple statut de victime. Corinna Faith signe, à l’évidence, un premier long-métrage engagé, imprégné des récents bouleversements sociaux.
La note d’intention est claire et la réalisatrice le revendique : « J’écrivais au même moment que l’explosion de résistance au silence et à la passivité qui a accompagné le mouvement #MeToo. (…) L’idée qu’un esprit en colère puisse être mis au repos, rendu silencieux à la fin d’une histoire, me semblait tout simplement fausse. » À la sortie de THE POWER, on regrette cependant un final bien trop explicatif, presque naïf et idéaliste. La conclusion manque cruellement de saveur et gâche quelque peu l’effet de confusion précédemment installé. Le film mérite néanmoins le coup d’œil, et même, de passer à la postérité.
Lily Nelson
• Réalisation : Corinna Faith
• Scénario : Corinna Faith
• Acteurs principaux : Rose Williams, Emma Rigby, Charlie Carrick
• Date de sortie : 16 février 2022
• Durée : 1h32min