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ROULEZ JEUNESSE, ou comment être un bon samaritain – Critique

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Pour son premier long métrage, ROULEZ JEUNESSE, Julien Guetta offre à Eric Judor un beau rôle plus dramatique que ceux qu’il interprète d’habitude.

On peut avoir plusieurs préjugés avant d’aller voir ROULEZ JEUNESSE, mais la bonne nouvelle, c’est qu’ils vont heureusement se déconstruire tout du long du film et de façon assez surprenante. Comme si le réalisateur Julien Guetta s’était amusé à amener le spectateur sur de fausses pistes. Si l’on considère par exemple le titre du film, on peut avoir la bizarre impression que le réalisateur et son co-scénariste Dominique Baumard l’ont planté la, comme le point de départ du film et que le scénario a été déroulé par la suite. D’où le garage, la dépanneuse et les enfants.

Photo du film ROULEZ JEUNESSE

Quant au héros incarné par Eric Judor, on peut s’attendre à le voir interpréter son type de rôles habituels de dragueur, hâbleur, menteur, trouillard et loser, comme dans les séries H et Platane, Mohamed Dubois, ou plus récemment Problemos. Son personnage Alex conserve tout de même quelques-uns de ces traits de caractères, mais Eric Judor est moins azimuté que d’habitude, plus sobre… presque trop. On sent qu’il lui a fallu faire de gros efforts pour ne pas retomber dans la facilité de ce que le public connaît de lui et aime chez lui. Le genre enfin: on s’attend, de par la présence de Judor, à une comédie. Mais ROULEZ JEUNESSE lorgne plutôt vers le genre de la dramédie, et ce n’est pas si surprenant que cela quand on sait que Julien Guetta est par ailleurs co-scénariste de JoueursOn a même affaire à plusieurs drames en réalité : celui des enfants mis opportunément sur le chemin d’Alex et celui d’Alex, plus intime et finalement le plus intéressant.

On sait que les rencontres improbables produisent souvent les mêmes effets : chaque participant en sort profondément transformé et parvient enfin à régler ses problèmes. Ainsi, Alex est un homme entouré de femmes qu’on pourrait aisément définir comme castratrices. Tout d’abord l’originelle, sa mère (Brigitte Roüan) avec laquelle il n’est toujours pas parvenu à couper le cordon, d’autant qu’elle est la patronne et lui l’employé de leur boite de dépannage. On sait que de tels hommes s’affranchissent de l’emprise maternelle de différentes manières, les bonnes comme les mauvaises.

Mais Alex n’est ni Romain Gary, ni Norman Bates. C’est juste une bonne pâte de 43 ans, que d’aucuns seraient tentés de considérer comme un pauvre type. Il n’a simplement pas encore trouvé sa place, ni de véritable sens à sa vie, mais ne s’en plaint pas. Il exerce d’ailleurs un métier qui correspond assez bien à son caractère : en bon samaritain, il dépanne les gens. Pas seulement avec sa dépanneuse mais avec son écoute, son humour, son altruisme et sa gentillesse naturelle. On regrette d’ailleurs que les deux scénaristes n’aient pas développé davantage de scénettes avec des personnages qu’Alex ramène dans sa dépanneuse.

Un premier film touchant et réussi par son côté poupées russes qui va au-delà des apparences, bien plus profond qu’il n’y paraît.

Puis sa petite amie Lou (Déborah Lukumuena, découverte dans Divines), qui bosse dans le garage et Nelly (Laure Calamy), assistante sociale de son état mais plantée par Alex après une nuit passée avec lui. Et même Prune (Marie Kremer), qui décide de coucher avec lui avant de partir, lui abandonnant ses enfants. Le film porte d’ailleurs un regard non jugeant sur ce qui motive les parents défaillants, et rappelle en ce sens l’émouvant Ma vie de Courgette.

Photo du film ROULEZ JEUNESSE

Le souci, c’est que les femmes qui entourent Alex le jugent complètement irresponsable et indigne de leur confiance. Elles trouvent qu’il ne se comporte pas du tout comme un homme, mais toujours comme un gamin. Elles sont souvent en colère contre lui, l’engueulent ou se moquent de lui. Et comme un autre faux-semblant, ROULEZ JEUNESSE se révèle aussi un film qui aborde de façon biaisée ce qui fonde la masculinité ou la virilité de nos jours. Il est en prise avec le débat féministe actuel, sur fond de #Metoo et de l’affaire Weinstein qui interrogent sur ce que doit être un homme dans notre société et comment il doit se comporter. Mais ce que montre le film, et c’est assez réjouissant car non revendicatif, c’est qu’un homme devient un homme dès lors que son entourage change son regard sur lui et lui laisse l’occasion de prendre les choses en main. Un peu comme le personnage immature du récent Daddy Cool, lui aussi confronté à de jeunes enfants, et avec une scène identique aussi peu drôle de caca dans la couche.Pourtant, quand Alex a enfin la possibilité de montrer qu’il est devenu responsable grâce aux circonstances, il se comporte encore comme un gamin. Même s’il faut du temps pour évoluer, c’est peut-être là où Julien Guetta avait la possibilité de marquer le coup et modifier le caractère de Alex en le rendant un peu moins copain et plus mature, non seulement par ses paroles mais aussi dans ses actes. Alors bien sûr, les enfants l’aiment et s’attachent à lui. Il faut preuve d’empathie communicative.

La scène la plus poignante de ROULEZ JEUNESSE cueille le spectateur par surprise. Elle est vécue par Alex. Il ne parle pas, c’est son regard et ses larmes qui s’expriment. Et là, on se dit que Julien Guetta n’a peut-être pas offert à Eric Judor son Tchao Pantin mais on suppute que c’est pour bientôt. Car il permet à l’acteur de montrer à quel point les larmes sont proches du rire et d’ouvrir une nouvelle porte sur son cœur, avec d’autres rôles possibles. Malgré quelques scènes assez bateau, ROULEZ JEUNESSE se révèle donc un premier film touchant et réussi par son côté poupées russes qui va au-delà des apparences, bien plus profond qu’il n’y parait.

Sylvie-Noëlle

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Titre original : Roulez Jeunesse
Réalisation : Julien Guetta
Scénario : Julien Guetta, Dominique Baumard
Acteurs principaux : Eric Judor, Laure Calamy, Brigitte Roüan
Date de sortie : 25 juillet 2018
Durée : 1h24
3
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