Photo du film TITANE
Crédit : Carole Bethuel

TITANE, le sacre de Ducournau – Critique

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Avec TITANE, Julia Ducournau signe son chef-d’œuvre. Un chef-d’œuvre de genre remarquable, béni par l’obtention de la Palme d’Or à Cannes, le 17 juillet 2021.

Grave n’était finalement pas grand-chose… Sinon un sympathique film de genre qui eut le mérite de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Dès lors, l’épouvante francophone semblait s’éveiller d’un profond sommeil. Ou, du moins, retrouvait-elle enfin une vision d’auteur. Une patte, un sens du cadrage, un travail du son. Ducourneau naissait sur les scènes des festivals en tant qu’artiste majeure – voire même, en tant que prêtresse du genre à la française. On l’attendait au tournant. TITANE était plus qu’enthousiasmant. Quand soudain, il obtint la Palme d’Or. Toucherait-on assurément au sublime ? Là où Grave posait ses jalons, TITANE réitère et confirme le miracle.

Métallique

Pour sûr, le corps obsède Ducournau. Par la chair dans Grave, par sa singularité dans TITANE. Victime d’un accident de voiture alors qu’elle n’était encore une enfant, Alexia se retrouve dotée d’une plaque en titane pour remodeler son crâne. Dès lors, le métal se mêle à son être. Il en devient partie intégrante. Outre par la cicatrice apparente de son héroïne, Ducournau suggère inlassablement la présence de ce corps étranger, par des éléments aussi subtiles que le son. De ses ongles sur la faïence du lavabo, en passant par l’impact de ses dents sur son pic à chignon, jusqu’aux coups martelés et répétés sur une porte en tôle… Alexia se recoiffe dans un silence total, où l’on distingue nettement ces bruits, à l’écho remarquablement métallique.

Photo du film TITANE
Crédit : Carole Bethuel

Le métal fait partie de son corps, de son identité propre. Toutefois, ce lien profond reste indicible. D’où l’incompréhension. De sa famille la plus proche, notamment. Et d’où, peut-être, ce besoin irrépressible de manifester sa féminité à travers le métier de gogo-dancer. Et Ducournau filme sa danseuse à demie-nue, dans une lap dance féline, sur le capot d’une Cadillac à la carrosserie sobrement tapissée de flammes. Féminin, le corps l’est alors plus que jamais. Et se tisse en filigrane une métaphore du désir empruntée directement à Carpenter. Ceci, dans un hommage bien plus qu’évident à la célèbre adaptation de Christine.

Thriller queer horrifique

De références, TITANE en regorge. À Carpenter, mais également à David Cronenberg. Autant par le rapport à l’automobile – qui nous évoque Crash sans le moindre doute -, que par une obsession commune pour la chair, les tissus et les déformation du corps. Ce corps de danseuse, bientôt pansé et contraint dans une masculinité forcée. Et ce, dans un univers militaire, profondément machiste et misogyne. Un univers incarné par un Vincent Lindon vieillissant, que l’on n’espérait plus voir aussi captivant, beau et torturé à l’écran. Le genre féminin, masculin, voire neutre, n’aura de cesse de nous questionner tout au long du métrage. Forcé d’avouer que l’on aura, en France, rarement fait un thriller horrifique aussi queer. Plus encore par son évocation de l’amour filial : un absolu qui ne trouve jamais de raison.

Photo du film TITANE
Crédit : Carole Bethuel

TITANE se veut radical dans son exploration du corps – vivant, comme agonisant. Il n’épargne aucune image, aucun bruit de chair, de bouche, de régurgitation. À la faveur d’un propos réel, loin de toute provocation inutile. Allons donc, sur La Croisette, on était outré. Comme au lendemain d’un Twin Peaks: Fire walk with me en 1992 ou d’un Irréversible en 2002. Sauf que, cette fois, le film-choc de l’année n’était pas présenté hors compétition. Il concourait. Et il a décroché la Palme. Là où tant d’autres n’ont pu jouir que d’un coup de projecteur, Julia Ducournau a obtenu la reconnaissance de Cannes. Une reconnaissance rarement dévolue aux réalisateurs de genre. Pour une œuvre remarquable. Dans son esthétisme, comme dans son écriture jusqu’au-boutiste et assumée comme telle. La Palme fut, à ce titre, déclarée « singulière ». Or, peut-être était-il tout simplement temps…

Lily Nelson

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Titre original : Titane
Réalisation : Julia Ducournau
Scénario : Julia Ducournau
Acteurs principaux : Vincent Lindon, Agathe Rousselle, Garance Marillier
Date de sortie : 14 juillet 2021
Durée : 1h48min
4
Palme avérée

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