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Crédits : Metropolitan FilmExport

DREAM SCENARIO, Nicolas Cage nous vend du rêve – Critique

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Vous rêvez souvent de Nicolas Cage et vous n’osez pas en parler à vos proches ? Soyez rassuré, vous n’êtes pas seul et DREAM SCENARIO va justement nous servir de thérapie collective.

En ouverture de la douzième édition du PIFFF, les cinéphiles de passage au Max Linder Panorama (Paris) ont eu le plaisir de découvrir en avant-première française, la nouvelle excentricité des studios A24, DREAM SCENARIO, où Paul Matthews, un professeur d’université pas vraiment charismatique apparaît dans les rêves de millions de personnes à travers le monde. Un phénomène spontané et inexpliqué offrant à Paul la notoriété dont il a toujours rêvé, bien qu’il n’ait fourbi aucune arme scientifique ou psychologique pour faire face à l’improbable situation.

Avec ce troisième long-métrage, le norvégien Kristoffer Borgli continue d’explorer la thématique qui lui est chère, à savoir le désir de célébrité dans le monde actuel, après DRIB (2017), documentaire (documenteur ?) sur un buzz internet se retournant contre son performeur, et Sick of myself, sorti au printemps dernier, où une jeune femme jalouse de la notoriété de son compagnon en vient à des actes inconsidérés. Et c’est sans doute parce qu’il colle de trop près à cette thématique, que DREAM SCENARIO adopte une structure déséquilibrée se vidant progressivement dans sa deuxième moitié de l’originalité et du charme dont il fait montre dans sa première partie.

Si cette première partie pouvait nous laisser craindre que l’aspect comédie hipster newyorkaise ne corsette le concept fantastique, on est vite rassuré par la vitalité du montage et l’atmosphère étrange contrebalançant le caractère parfois roboratif des dialogues. Certes Borgli analyse et commente le phénomène surnaturel pour brosser plus largement l’étude d’une société toute entière, mais il ne délaisse pas pour autant son poste de metteur en scène et réussit à composer de vrais beaux moments d’étrangeté, tout en assemblant ses idées visuelles avec cohérence, à l’instar de ses aînés dans le domaine, Spike Jonze, Charles Kaufman et Michel Gondry. On en vient à penser, qu’un an après la sensation Everything everywhere all at once, A24 tente de capturer une nouvelle fois la foudre, en laissant Borgli s’aventurer librement dans le monde des rêves, tel que l’avaient fait Daniel Kwan et Daniel Schneinert dans le multiverse.

Mais malheureusement l’énergie et le bizarre réjouissant de DREAM SCENARIO s’essoufflent à partir du moment où les rêves virent au cauchemar et provoquent des répercussions dans la vie réelle de Paul. Borgli est fan de Les griffes de la nuit et souhaitait proposer une variation du concept du « boogeyman onirique » hors des codes du slasher eighties, dans un contexte social plus marqué et plus complexe. Pour rester dans les rails de ce projet, le film aligne sans surprise les différentes étapes du parcours d’un quidam lambda devenu mondialement célèbre. Paul doit ainsi nous apparaître comme une sorte de profil universel, synthétisant les stars de téléréalité, influenceurs, personnages de memes, de faits divers, voire d’affaires criminelles dont la célébrité tient bien souvent de l’absurde. Le programme est tout tracé jusqu’à la fin du film, et on a l’impression de subir les évènements, puisque Paul, qui paie justement de ne pas avoir été assez volontaire et actif dans sa vie, donne l’impression d’un être, si ce n’est impuissant, en tout cas empoté jusqu’au bout de son histoire.

Les situations et les réactions de Paul ne sont plus aussi cocasses, certaines sont même convenues, faisant ainsi décroitre l’efficacité comique en même temps que les apports du fantastique. Le propos du cinéaste se retrouve alors dépouillé des effets de cinéma qui l’enrichissaient pour nous apparaître de manière plus frontale, et hélas bien moins intrigante que dans la première moitié du récit. Kristoffer Borgli aurait peut-être était plus inspiré de poursuivre son exploration à tâtons du monde des rêves sans se soucier de donner une finalité et un message clair à son récit. Ou bien s’il souhaitait établir une arche narrative plus émouvante de son protagoniste, celle-ci aurait jouer sur un maitrise progressive du pouvoir de Paul, décidé à palier les défaillances de sa vie éveillée, en réussissant à investir les rêves de celle qui ne rêve jamais de lui : sa femme Janet.

Sans doute ces deux options participent d’un autre film, un film hypothétique, qui nous éloigne des intentions de Borgli. Alors s’il fallait juger le film sur ce qu’il est, et non sur ce que nous pourrions rêver, on retiendra la prestation de Nicolas Cage, ou plutôt de cet anti-Cage privé de son cool, de son côté kitsch et bigger than life, et d’une bonne partie de ses cheveux qui lui valurent le surnom moqueur de « Moumoutte d’acier » à force de délires capillaires contestables. En parka vert-de-gris, barbu et chauve, Nicolas Cage laisse remonter à la surface son penchant pour les losers, mais cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un loser magnifique. Paul est simplement un homme dépassé par son image dans l’inconscient collectif, et qui de mieux pour l’incarner que Cage qui doit une partie de sa persona aux memes, aux rumeurs sur son style de vie, et aux commentaires moqueurs d’une génération « culture nanar » sur les réseaux sociaux.

Si on considère que le concept de DREAM SCENARIO inclut les phénomènes sociaux dont la personnalité publique de Cage a fait l’objet, alors le film est bien plus intéressant que Un talent en or massif en terme de méta-Cage. Maitrisant parfaitement le potentiel comique de sa gestuelle pataude, acceptant totalement de s’effacer derrière ce personnage navrant de médiocrité et parfois tout bonnement ridicule dans ce contexte extraordinaire, au bout de tous nos rires, il nous cueille finalement par l’intensité de son regard blessé.

Arkham

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